Des considérations économiques plus qu’un impératif environnemental semblent avoir convaincu le premier ministre japonais, Yoshihide Suga, de fixer un objectif de réduction à zéro, d’ici à 2050, des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’archipel et de « tout faire pour réaliser une société verte ». En 2018, le Japon a généré 1,24 milliard de tonnes équivalent CO2 de ces gaz, le plaçant en cinquième position mondiale. La décision de M. Suga va plus loin que l’engagement précédent de Tokyo − considéré comme insuffisant −, de réduire de 80 % les émissions d’ici à 2050 et de 100 % avant 2100.
Mie Asaoka, présidente du réseau Kiko, l’organisation nippone de protection de l’environnement, a vu dans l’annonce de M. Suga « une déclaration claire, une direction et un calendrier pour une société décarbonée indispensable au Japon ». « Cette déclaration s’accompagne d’une obligation d’action », a toutefois tempéré Sam Annesley, directeur exécutif de Greenpeace Japon.
« Dynamiser la croissance »
Le Japon semble suivre les grandes puissances mondiales qui ont pris des engagements similaires. En septembre, le président chinois, Xi Jinping, a annoncé que son pays serait neutre en carbone d’ici à 2060. Le candidat démocrate à la présidentielle américaine, Joe Biden, a promis une « économie avec une énergie 100 % propre » et zéro émission d’ici à 2050. L’Union européenne également, avec son Green New Deal dévoilé en décembre 2019, envisage des « taxes carbone » sur les importations de pays jugés moins stricts dans la lutte contre les changements du climat, ce qui pourrait affecter les exportateurs nippons.
Sur le plan intérieur, le Japon subit les conséquences des dérèglements en cours, avec, entre autres, une intensification des puissants typhons. Le centre d’analyses environnementales Germanwatch l’a placé dans son rapport 2020 en tête de la liste des pays les plus affectés par la crise climatique.
Le Japon suit pourtant une politique jugée pour le moins ambiguë. En juillet, le gouvernement a annoncé le démantèlement d’une centaine de sites de production d’électricité au charbon fortement émetteurs de CO2. Mais il prévoit d’en construire 22 autres et continue de soutenir les exportations, vers les nations en développement, de centrales présentées comme au « charbon propre », une politique qui lui a valu de vives critiques lors de la COP25 de décembre 2019.
Yoshihide Suga a insisté sur l’importance de « changer la façon de penser » et de « mesures proactives contre le réchauffement climatique » dans l’industrie et la production d’électricité. Il a évoqué la création d’un cadre réunissant les autorités locales. Dans une allusion aux savoir-faire technologiques du Japon, et à la politique de promotion d’une « société de l’hydrogène », il a également souligné que « les mesures contre le réchauffement climatique peuvent transformer l’économie et dynamiser la croissance, non l’affecter ».
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Source : Le Monde.fr