L’argument sanitaire
Autoriser l’afflux de près d’un million de personnes (en comptant les quelque 900 000 spectateurs étrangers qui se sont déjà procuré un billet, ainsi que les athlètes, les entraîneurs et les médias), c’est prendre le risque d’une explosion des contaminations dans l’Archipel, jusqu’ici plutôt épargné par la pandémie – même si un état d’urgence a été décrété dans plusieurs régions début janvier. D’autant plus que la campagne de vaccination, qui n’a
commencé qu’à la mi-février, a déjà pris du retard.
L’argument politique
Un sondage, publié le 3 mars par le quotidien japonais Yomiuri Shinbun, montre que 77 % des Japonais sont hostiles à l’ouverture des Jeux olympiques au public étranger. Alors que la population semble se résigner à la tenue de la compétition, après s’y être beaucoup opposée, il sera difficile pour le gouvernement – qui tient absolument à ce qu’elle ait lieu – de lui imposer un tel accueil. D’autant qu’il est déjà très critiqué pour sa gestion de l’épidémie.
L’argument du « moins pire »
Avec 206 nations représentées, l’absence de public étranger ne « remet pas en cause l’universalité », estime le sociologue du sport Eric Monnin, interrogé par La Croix. Selon lui, les Jeux pourraient même constituer un remède à la « morosité ». Et plus de 4 millions de billets ont déjà été vendus au Japon. De quoi retrouver un peu de l’ambiance qui règne habituellement dans les travées olympiques et adresser quelques encouragements aux athlètes.
Le contre-argument sanitaire
L’imposition de mesures sanitaires strictes pourrait permettre de limiter les risques de propagation du virus, alors que la vaccination aura beaucoup progressé. En décembre 2020, un rapport du comité d’organisation en avait d’ailleurs esquissé quelques-unes pour permettre à un « grand nombre » de visiteurs étrangers d’assister aux Jeux : obligation de présenter un test négatif à l’entrée, de télécharger une application de traçage et interdiction… de crier.
Le contre-argument politique
Renoncer à accueillir le public étranger coûterait au Japon une grande partie des 90 milliards de yens (771 millions d’euros) que le comité d’organisation espérait tirer de la vente de billets. Le gouvernement se priverait ainsi d’une manne financière bienvenue alors que l’économie est au plus mal. Et d’une bonne occasion (la seule ?) d’amortir un peu le prix des Jeux olympiques d’été les plus chers de l’histoire, avec un coût global annoncé de 13 milliards d’euros.
Le contre-argument du « moins pire »
Imagine-t-on les JO sans le bouillonnement interculturel cher à Pierre de Coubertin ? C’est pourtant la triste promesse de cette édition : des stades qui sonnent creux et un maigre public, acquis à la cause du pays hôte. Dans ces conditions, peut-être vaudrait-il mieux la reporter de nouveau, en espérant que 2022 offre la « lumière au bout du tunnel », promise par le vice-président du CIO en septembre 2020. Ou y renoncer, comme en 1916 et en 1940.
Source : Le Monde.fr