Le choc provoqué et l’importance des réactions à l’assassinat, vendredi 8 juillet, de l’ancien premier ministre japonais, Shinzo Abe, témoignent de l’importance acquise par ce natif de Tokyo, héritier d’une des plus grandes familles politiques de l’archipel et détenteur du record de longévité à la tête du gouvernement nippon, où il a tout fait pour imposer un agenda des plus conservateurs.
Son assassin, Tetsuya Yamagami, a avoué « vouloir tuer » M. Abe parce qu’il en était « mécontent ». Il a nié avoir agi pour des raisons politiques. Ses motifs restent flous, ce qui accentue l’incompréhension face à un geste qualifié d’« acte barbare en pleine campagne électorale, qui est la base de la démocratie, et c’est absolument impardonnable », par le premier ministre Fumio Kishida, naguère ministre des affaires étrangères de M. Abe entre 2012 et 2017.
La mort a fauché l’ancien chef de gouvernement alors qu’il faisait campagne pour les élections sénatoriales du 10 juillet. Shinzo Abe prononçait un discours à un carrefour proche de la gare de Yamato-Saidaiji, à Nara, dans l’ouest du Japon. Il devait enchaîner les interventions en soutien au candidat de sa formation, le Parti libéral démocrate (le PLD, au pouvoir), signe de l’influence qu’il conservait dans le paysage politique nippon et de sa popularité durable auprès des adhérents.
« Défenseur d’un ordre mondial multilatéral »
Les réactions à son décès sont venues du monde entier. Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a salué un « dirigeant visionnaire ». Le premier ministre indien, Narendra Modi, s’est dit « choqué et attristé au-delà des mots ». La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dénoncé sur Twitter le « meurtre lâche et brutal » de Shinzo Abe, « un grand démocrate et défenseur d’un ordre mondial multilatéral ».
L’ex premier ministre est né le 21 septembre 1954 dans une puissante famille politique originaire du département de Yamaguchi (sud-ouest). Son grand-père maternel, Nobusuke Kishi, fut premier ministre de 1957 à 1960. Son grand-oncle, Eisaku Sato, l’a été de 1964 à 1972. Son père Shintaro Abe, est député et obtient son premier poste ministériel en 1974.
La politique ne semble toutefois pas attirer Shinzo Abe. Enfant, il aspire à devenir joueur de baseball ou détective. Diplômé de droit à la modeste université privée Seikei, puis de sciences politiques à l’université de Caroline du Sud, aux Etats-Unis, il commence par travailler pour le géant japonais de la sidérurgie Kobe Steel avant de devenir, en 1982, l’assistant de son père, qui dirige alors la diplomatie nippone et semble promis à devenir premier ministre. Shintaro meurt en 1991, à l’âge de 67 ans, avant d’avoir atteint cet objectif. Son fils doit alors assurer la continuité de la dynastie politique. Une tâche que lui assigne sa mère, Yoko, fille de Nobusuke Kishi, qui compte sur lui car elle jugeait son époux trop mou, voire trop progressiste. Bien qu’il fut volontaire pour devenir kamikaze à la fin de la guerre.
Il vous reste 73.52% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Source : Le Monde.fr