Adoptée en un temps record, samedi 10 décembre, par le Parlement japonais, la loi visant à mieux encadrer les dons aux organisations, religieuses ou non, peine à faire l’unanimité. Le texte a été rédigé à la suite de l’assassinat en juillet, par le fils d’une adepte ruinée par l’Eglise de l’unification – aujourd’hui, Fédération des familles pour la paix et l’unification mondiale (FFPUM), connue comme la secte Moon –, de l’ancien premier ministre, Shinzo Abe (1954-2022). Il a été entériné cinq jours à peine après sa soumission au Parlement.
Encadrant les activités des structures qui collectent des dons ou qui procèdent à des « ventes spirituelles », y compris les organisations à but non lucratif et les écoles, la loi cible les pressions éventuelles. Le texte définit certains critères pour établir l’infraction, comme profiter de l’état de faiblesse des personnes ciblées et celui de susciter des peurs en affirmant qu’un don est « indispensable » pour éviter des situations difficiles. Les sanctions peuvent aller jusqu’à un an de prison ou une amende de 1 million de yens [près de 7 000 euros].
La loi donne aussi aux familles des adeptes le droit d’annuler les dons, selon le principe du « droit de subrogation du créancier » prévu par le code civil. Cette disposition ne peut être appliquée que lorsque les adeptes eux-mêmes n’ont pas les moyens financiers d’agir.
Le gouvernement a poussé pour l’adoption rapide du texte. La question de la secte Moon fragilise l’administration du premier ministre, Fumio Kishida, en raison des révélations sur les liens anciens entre au moins 146 parlementaires et 334 élus locaux du Parti libéral-démocrate (PLD, au pouvoir) et le mouvement. Plusieurs ministres ont dû démissionner. Le taux de soutien de M. Kishida ne dépasse pas 35 %, selon un sondage du 9 décembre de l’agence Kyodo.
L’auteur des coups de feu contre M. Abe, Tetsuya Yamagami, avait expliqué son geste par la ruine de sa mère, causée par des dons massifs à la secte Moon, et par le lien entre M. Abe et le mouvement religieux créé en 1954 en Corée du Sud par Moon Sun-myung (1920-2012), mais très implanté au Japon, d’où il tirait l’essentiel de ses ressources. Pour la secte, les dons étaient présentés comme un moyen de « libérer les ancêtres ». Des équipes passaient chez les adeptes pour leur vendre des produits tels que du ginseng, des statues, voire des bibles dédicacées par le gourou, à des prix exorbitants. Plus le nombre d’ancêtres à « libérer » était important, plus le don devait être élevé.
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Source : Le Monde.fr