L’avenir s’annonçait radieux pour Yangtze Memory Technologies Corp (YMTC), un fabricant chinois de puces mémoires flash, des semi-conducteurs essentiels au fonctionnement des ordinateurs, smartphones et quantité d’appareils électroniques. Fondé en 2016 par une entreprise d’Etat chinoise et boosté par des subventions à hauteur de plusieurs dizaines de milliards d’euros, YMTC était parvenu, en moins de six ans, à se hisser au niveau technologique des leaders du secteur. Consécration ultime, Apple envisageait, début septembre 2022, de se fournir auprès de lui pour équiper ses iPhone. Pékin, qui s’efforce de s’imposer dans le domaine hautement stratégique des semi-conducteurs, pouvait se targuer d’avoir remporté là un beau succès.
Une victoire de courte durée. En quelques semaines, cette pépite chinoise qui commençait à se tailler une place sur le marché mondial a dû revoir à la baisse ses ambitions, victime de la bataille que se livrent les Etats-Unis et la Chine pour la domination du secteur des hautes technologies. Sous la pression du Sénat américain, Apple a d’abord fait marche arrière, renonçant à passer commande chez YMTC. Puis, le 7 octobre 2022, Washington a annoncé des restrictions drastiques à l’exportation des semi-conducteurs de pointe, au nom de « la sécurité nationale » et afin d’« empêcher l’armée de la République populaire de Chine, ainsi que ses services de renseignement et de sécurité d’acquérir des technologies sensibles [alliages, composants, logiciels] pouvant être utilisées à des fins militaires ». Du jour au lendemain, YMTC s’est ainsi retrouvé privé de ses fournisseurs américains, indispensables à la production de ses puces mémoires avancées.
Liste noire
Le jeune fleuron chinois n’est pas seul dans la ligne de mire. Après avoir ciblé certaines entreprises, à l’instar du géant des télécoms Huawei dès 2019, les Etats-Unis visent désormais l’ensemble du secteur des semi-conducteurs, en exigeant des sociétés américaines de l’industrie, ainsi que de leurs clients internationaux, l’obtention d’une licence pour vendre à des entreprises chinoises des composants avancés ou des équipements pour les produire – avec la quasi-certitude d’essuyer un refus. YMTC a dû se défaire d’une partie de son personnel, les citoyens américains ainsi que les résidents permanents (détenteurs d’une Green Card) étant, eux aussi, soumis à l’obligation de licence pour travailler dans des usines chinoises de puces électroniques ou pour participer à leur développement. Anticipant ce nouveau tour de vis, son PDG, Simon Yang, né en Chine mais détenteur d’un passeport américain, avait déjà démissionné quelques jours plus tôt. Le sort de YMTC a finalement été scellé, le 15 décembre, après son inscription – avec une trentaine d’autres firmes chinoises – sur la liste noire de Washington des « entités » avec lesquelles les entreprises américaines ont l’interdiction de commercer sauf à y avoir été dûment autorisées.
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Source : Le Monde.fr