Les déclarations du président Emmanuel Macron au cours de sa visite en Chine, appelant l’Union européenne à ne pas être « suiviste » de Washington ou de Pékin sur la question de Taïwan, n’ont pas suscité au Japon de réactions aussi vives qu’en Europe et aux Etats-Unis. Elles n’embarrassent pas moins le premier ministre, Fumio Kishida, qui sera l’hôte du G7 à Hiroshima début mai : Tokyo est un peu gêné aux entournures par cet étalage de dissensions au sein de ses alliés européens et américains, qui risquent de rendre encore plus délicate la préparation du sommet du G7 à Hiroshima, dont les sujets essentiels porteront sur la guerre en Ukraine et la Chine.
Le Japon et l’Europe perçoivent la menace chinoise différemment. Et, mezza voce, une partie des dirigeants japonais n’est sans doute pas mécontente qu’une voix se fasse entendre en faveur d’une politique de fermeté vis-à-vis des ambitions hégémoniques de la Chine, sans pour autant fermer la porte au dialogue. Cela contribuerait à éviter d’accroître les tensions et à prévenir une escalade incontrôlée dans laquelle l’Archipel serait directement impliqué – à la fois par sa proximité géographique et par son alliance avec Washington. « Beaucoup, au Japon, pensent que s’est enclenché, avec la Chine, un cercle vicieux qui risque de pas pouvoir être enrayé si on laisse la situation sans contrôle. Mais il est peu probable que le premier ministre le dise ouvertement », estime Hirohito Ono, ancien éditorialiste au quotidien Asahi Shimbun.
En raison de son alliance avec les Etats-Unis, dont dépend sa sécurité, le Japon ne peut cependant pas se permettre de partager l’appel d’Emmanuel Macron à ne pas être « suiviste » de Washington. Mais ses dirigeants ne sont peut-être pas loin de penser qu’il faut limiter « l’encerclement » de la Chine voulu par les Etats-Unis et ne pas se laisser entraîner dans une logique des blocs, une volonté similaire à celle du président français : la tentative du Japon d’étoffer le dialogue avec le « Sud global », et en particulier dans le sous-continent indien et en Asie du Sud-Est, en témoigne.
« Une dissuasion discrète »
Tokyo navigue à vue entre les contraintes de son alliance avec Washington et ses relations avec Pékin, en cherchant à éviter d’être entraîné dans une confrontation ouverte avec son grand voisin, qui reste son premier partenaire commercial, bien qu’il diversifie ses investissements dans la région.
Il n’y a pas eu jusqu’à présent de commentaires officiels du ministère des affaires étrangères. La presse, qui a accordé une large couverture à la visite du chef de l’Etat français, s’est contentée en général de rapporter de manière factuelle les propos de M. Macron en cherchant à les replacer dans leur contexte, mais sans analyse approfondie.
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Source : Le Monde.fr