Le teint hâlé et la raie impeccable, vêtu du blouson bleu du Parti libéral-démocrate (PLD, au pouvoir), Nobuchiyo Kishi, 31 ans, neveu de l’ex-premier ministre Shinzo Abe, harangue une trentaine de personnes âgées sur le parking du temple Shinkoji, à Hirao, dans le département de Yamaguchi (sud-ouest). « J’ai peu d’expérience, mais je suis à l’écoute. J’ai l’énergie pour faire entendre vos inquiétudes sur l’économie, l’énergie, la sécurité. » L’audience est acquise pour le jeune homme, candidat à la législative partielle, dimanche 23 avril.
Pour cet ex-journaliste de la chaîne privée Fuji TV, l’objectif est simple : succéder à son père, Nobuo Kishi, le frère de l’ancien premier ministre assassiné en juillet 2022. Il rejoindrait alors la cohorte d’« héritiers » qui peuplent les travées du Parlement japonais et trustent les postes ministériels. Selon une étude réalisée en 2018 par l’universitaire américain Daniel M. Smith, publiée par Stanford University Press, le Japon est le quatrième pays, derrière la Thaïlande, les Philippines et l’Islande, en proportion de responsables politiques issus de « dynasties ». Environ 27 % des élus de la Chambre basse le seraient, contre moins de 10 % en Europe ou aux Etats-Unis. Sept des neuf premiers ministres PLD depuis 1993, dont l’actuel chef de gouvernement, Fumio Kishida, sont des héritiers. Yukio Hatoyama, chef du gouvernement issu de l’opposition en 2009-2010, l’était également.
Cette question ne gêne guère les soutiens de Nobuchiyo Kishi. « Il a été élevé dans le monde politique, qui est très dur. Il arrive en terrain connu », avance Takashi Yamazaki, membre de son équipe de campagne. Comme le précise une autre étude parue en 2022 de l’Institut de recherche sur l’économie, le commerce et l’industrie (Rieti), nombre d’électeurs estiment que les héritiers ont plus de chances de devenir ministres et, lorsqu’ils sont élus locaux, d’obtenir des subventions. « Nobuchiyo profite du phénomène classique de la politique japonaise des trois “ban” : “jiban” [l’implantation locale], “kanban” [la notoriété] et “kaban” [les moyens financiers] », analyse Tatsuhiro Moritani, journaliste politique du quotidien d’opposition Chosyu, basé à Shimonoseki, le grand port de Yamaguchi.
L’arbre généalogique supprimé du site
Cela n’empêche pas ces héritiers d’être considérés, d’après l’enquête du Rieti, comme moins fiables, plus corrompus et déconnectés des réalités. « Nobuchiyo Kishi ne connaît rien de la circonscription où il se présente. Il est né, a grandi et travaillé à Tokyo. Une fois élu, il y retournera », avance M. Moritani. Selon un sondage réalisé à la mi-avril par le quotidien de centre gauche Asahi, 49 % des habitants de Yamaguchi s’opposent au principe des dynasties politiques.
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Source : Le Monde.fr