Alors que le scandale Carlos Ghosn n’a toujours pas connu son épilogue, l’urgence consiste à ramener la sérénité dans la relation binationale, pas à agiter des chiffons rouges qui risquent de provoquer un délitement de l’alliance entre les deux constructeurs automobiles, analyse notre éditorialiste économique Stéphane Lauer.
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Analyse. La fibre diplomatique est-elle héréditaire ? Au regard de la façon dont Jean-Dominique Senard, fils d’ambassadeur, tente de ressouder l’alliance avec le japonais Nissan, on est en droit d’en douter. Le nouveau président de Renault, dont la principale mission consiste à réparer les dégâts causés par le scandale Carlos Ghosn en renouant les fils du dialogue avec le constructeur nippon, semble confondre vitesse et précipitation. Alors que sa nomination avait plutôt contribué à apaiser les tensions entre les deux constructeurs, après les révélations sur les frasques de son prédécesseur, M. Senard a fait le choix de se lancer dans un projet de mariage mal ficelé dans un calendrier pour le moins inapproprié.
L’idée que la direction de Renault a tenté de soumettre à ses homologues chez Nissan vise à mettre en place une structure qui, tout en préservant une certaine parité entre les deux entreprises, assurerait la pérennité de l’alliance. Une holding chapeauterait l’ensemble, détenue à 50-50 par les actionnaires actuels de Renault et de Nissan et qui serait cotée à Paris et à Tokyo.
Sans rentrer dans les problèmes de calculs de valorisation, qui ne sont pas négligeables, ce schéma ressemble furieusement à celui concocté par des vétérans de la banque d’affaires américaine Goldman Sachs et poussé par Carlos Ghosn lui-même avant sa chute. Le PDG déchu n’a cessé ces dernières années de se servir de ce projet inabouti pour faire croire au gouvernement français qu’il travaillait sérieusement à une fusion avec Nissan, alors que, dans le même temps, il racontait une tout autre histoire aux Japonais en se faisant passer pour l’ultime rempart susceptible de les protéger contre les velléités du gouvernement français de s’immiscer dans les affaires de l’alliance.
Le projet de mariage braque des dirigeants de Nissan
Pendant des mois, la stratégie a pu faire illusion, permettant à Carlos Ghosn de s’imposer ainsi comme la pierre angulaire de l’édifice, au sein duquel il conservait un pouvoir sans limite, au lieu de préparer sa succession et les prochaines étapes de l’alliance. On peut s’étonner de voir ressurgir aujourd’hui ce projet de rapprochement, alors que l’ex-PDG a été écarté de toute fonction et fait l’objet de graves accusations de la part de la justice japonaise, qui pourraient l’envoyer derrière les barreaux pendant plusieurs années. Pour mémoire, Carlos Ghosn est mis en examen, d’une part, pour avoir omis de déclarer une grande partie de ses revenus aux autorités boursières et, d’autre part, pour abus de confiance aggravés à la suite de divers détournements d’argent au détriment de Nissan.
Source : Le Monde.fr