Exploitées à des fins politiques, des accusations de détournement de fonds menacent le combat mené en Corée du Sud par les défenseurs des femmes dites « de réconfort ». Cet euphémisme désigne les quelque 200 000 Asiatiques, en majorité coréennes, et quelques Européennes, contraintes de se prostituer pour l’armée japonaise dans les années 1930-1940.
Le Conseil coréen pour le souvenir de l’esclavage sexuel militaire japonais, principale organisation – non gouvernementale – de défense de ces femmes, et sa présidente, Yoon Mee-hyang, figure de ce combat depuis trente ans et élue députée le 15 avril dans les rangs de la majorité démocrate, sont au cœur d’accusations concernant la gestion des dons, formulées par Lee Yong-soo, 91 ans et elle-même ancienne victime.
« Le Conseil a-t-il le droit de nous exploiter ? » a lancé Mme Lee, très émue, en conférence de presse lundi 25 mai à Daegu (sud-est), sa ville natale. Il s’agissait de sa deuxième intervention après celle du 7 mai, contre la gestion de l’ONG. « Nous ne savons pas d’où vient l’argent. Les dons devraient être utilisés pour nous. Ils ne l’ont jamais été », avait-elle déclaré.
Mme Lee avait fustigé les rassemblements organisés chaque mercredi depuis 1992 devant l’ambassade du Japon à Séoul. Les participants, souvent jeunes, appellent Tokyo à faire amende honorable. Une statue de femmes de réconfort y a été érigée en 2011, devenant le symbole de cette lutte. Pour Mme Lee, ces manifestations ne font « qu’enseigner la haine aux jeunes ». Elle a renoncé à y participer.
Ouverture d’une enquête
La nonagénaire avait également critiqué Mme Yoon, qui s’est prévalue de son soutien pour les législatives, « un mensonge ». Elle a exigé sa démission de son poste de députée.
Après cette intervention, une série de plaintes contre le Conseil et Mme Yoon ont amené le parquet de Séoul à ouvrir une enquête. Les procureurs ont perquisitionné le 20 mai au siège du Conseil et à la Maison du partage, la structure d’accueil des femmes de réconfort qui en dépend.
Selon la presse sud-coréenne, près de 80 % des fonds collectés par l’ONG ces cinq dernières années n’auraient pas bénéficié aux 19 femmes de réconfort survivantes, sur les 240 officiellement enregistrées par le gouvernement. Yoon Mee-hyang aurait par ailleurs orienté à plusieurs reprises des dons vers ses comptes personnels. Cet argent pourrait avoir financé les études de sa fille aux Etats-Unis et l’achat d’un logement à Suwon, au sud de Séoul.
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Source : Le Monde.fr