Voyage de raison
Ce n’est pas les vacances pour tout le monde. Le 8 août, Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a fait étape à Tokyo, au Japon, dans le cadre d’une grande tournée diplomatique à travers l’Asie. Le matin, devant la presse, il a rappelé que la menace nucléaire pesait chaque jour un peu plus sur nous et appelé les dirigeants mondiaux à la raison. Le soir, il a pris part à une cérémonie commémorative au Mémorial de la paix d’Hiroshima. Entre les deux, il a rencontré l’empereur Naruhito, à Tokyo, dans le cadre d’un entretien officiel de toute évidence peu tourné vers la déconne.
Paire austère
Pour l’occasion, les deux hommes avaient fait le choix de l’austérité vestimentaire. Ainsi, l’empereur Naruhito arborait ce jour-là un complet marine deux boutons dépourvu de la finesse stylistique affichée par son père, l’élégantissime Akihito, mais techniquement irréprochable. De son côté, le Portugais Antonio Guterres avait enfilé un complet gris sans le moindre intérêt, sinon celui de nous rappeler qu’il est toujours préférable, en voyage, d’opter pour des costumes en laine high twist infroissables, au risque d’afficher l’air débraillé de Boris Johnson.
« Roll » de composition
D’un point de vue stylistique, le moins inintéressant se passait au niveau des chaussures. L’empereur Naruhito portait, comme souvent, des Chelsea boots noires à talonnettes, destinées à le grandir de quelques centimètres. Guterres, lui, arborait des mocassins noirs dits « beef roll », « roulé de bœuf », en anglais. Pourquoi cette appellation ? Parce que leur bride se termine, de part et d’autre du cou-de-pied, par deux petits boudins semblables à des rôtis.
Trous de mémoires
Notons que le port de chaussures par le monarque et son invité n’est pas anodin. Si la pratique consistant à se déchausser avant d’entrer dans un lieu clos s’est imposée pendant longtemps aux visiteurs de l’empereur (les historiens se souviennent des chaussettes trouées au talon du secrétaire d’Etat américain William Jennings Bryan, au début du XXe siècle), elle a disparu depuis une vingtaine d’années, à mesure de l’occidentalisation du pays.
Nue propriété
Enfin, comment ne pas s’arrêter un instant sur la décoration de cette salle de réception du palais impérial ? Les fameux shôji, les parois coulissantes faites de bois et de papier de riz translucide, destinées à moduler les espaces tout en laissant passer la lumière, font office de murs. Mais l’endroit se distingue surtout par son absence de meuble imposant et
par une décoration inspirée des traditionnels washitsu (« pièces de style japonais traditionnel »). Effectivement, pour la déconne, on repassera.
Source : Le Monde.fr