L’objet, dans son état actuel, est assez piteux. Et d’autant plus que sa destruction a commencé mardi 12 avril. Depuis des années, la tour-capsule Nakagin, totem architectural de Tokyo, construit entre 1970 et 1972, se délitait, statut étrange pour du béton, dans le quartier de Shimbashi, aux marges du luxueux quartier de Ginza. Au moins son architecte, Kisho Kurokawa, né à Nagoya, en 1934, n’en saura rien, puisqu’il est mort en 2007 à Tokyo, où il avait installé sa principale agence. Il laisse l’image un peu inquiétante d’un homme au visage émacié, type moine zen, la chevelure en plus. Une allure un peu rigide, comme l’était ce personnage passionné, précurseur par son exigence écologiste, et assez engagé pour se porter sur le tard – et vainement – candidat à la mairie de Tokyo.
La tour Nakagin et, dans une moindre mesure, sa fausse jumelle, la tour-hôtel Capsule d’Osaka, restent les œuvres les plus célèbres de cet ancien collaborateur de Kenzo Tange, assez prolifique par ailleurs au Japon et à Singapour. Car, assez vite, il se tourna vers une architecture plus coutumière, souvent des musées, ou des centres culturels, tel le Centre national des arts de Tokyo (2007), dans le quartier de Roppongi, reconnaissable à cent lieues par son enveloppe ondulante de verre bleu-vert.
La tour Nakagin, bien que beaucoup plus petite, avec ses cent quarante « cellules » soit 3 000 mètres carrés répartis en deux tours inégales, et moins élevée (treize et onze niveaux) n’en resta pas moins, jusqu’à aujourd’hui, la référence de tout jeune architecte à la recherche de solutions futuristes. C’était en effet l’une des premières et principales expérimentations pratiques du courant appelé « métaboliste », shinchintaisha ou metabolizumu, dont Kurokawa fut l’un des premiers théoriciens, avec son maître Kenzo Tange, Kiyonori Kikutake, mais aussi Fumihiko Maki et Arata Isozaki, tous passés par l’agence tentaculaire de Tange, et presque tous consacrés par le Pritzker, le prix Nobel de l’architecture.
Le métabolisme naquit en 1960 avec un manifeste aussi futuriste qu’utopiste publié sous la houlette de Kenzo Tange
Le métabolisme naquit en 1960 avec un manifeste aussi futuriste qu’utopiste publié sous la houlette de Tange. C’était un texte attrape-tout, comme l’époque les aimait, qui trouva à s’incarner à grande échelle, dans le projet – resté projet – de liaison Tokyo-Chiba à travers la baie de Tokyo. Au reste, le métabolisme était une approche associant l’attitude techniciste du néobrutalisme à l’idée d’une architecture inspirée des processus biologiques. Les projets urbanistiques étaient à l’image de la structure hélicoïdale de l’ADN, agrégats associatifs de mégastructures et de modules pouvant se remplacer au gré des besoins.
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Source : Le Monde.fr
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