De l’aplomb de son parc floral aménagé sur une hauteur verdoyante, le petit port de Kurihama (sud de Tokyo) respire la quiétude. Les ferrys assurant la liaison entre ce quartier de la commune de Yokosuka et le département de Chiba, de l’autre côté de la baie de Tokyo, débarquent leurs passagers affairés. Quelques bateaux de pêche à la coque effilée bleue paressent au mouillage. Un peu plus au nord, des flâneurs bravent le froid de février et arpentent la petite plage du lieu.
Le calme dissimule mal l’inquiétude suscitée par la construction, à deux pas du port, d’une centrale électrique au charbon. Jera, filiale de la compagnie d’électricité de Tokyo (Tepco) et de celle du Chubu (Chuden), bâtit deux tranches de 650 mégawatts (MW) chacune, à inaugurer en 2023 et en 2024. Elles remplaceront dix tranches qui fonctionnent au pétrole et au gaz, datant des années 1960, arrêtées en 2010, avant d’être relancées après la catastrophe de Fukushima, en mars 2011, qui a provoqué l’arrêt du parc nucléaire nippon. Jera a obtenu, en 2018, le feu vert du ministère de l’économie (METI) pour la centrale au charbon.
Depuis, la colère des opposants à la nouvelle centrale ne retombe pas. Isamu Watanabe, aujourd’hui retraité, mais natif du lieu, se souvient des problèmes de la pollution de la première centrale. « Les baignades dans la baie ont été interdites. Quand on faisait sécher notre linge dehors, selon la direction du vent, les vêtements étaient couverts de poussière. »
« 7,56 millions de tonnes de CO2 par an »
M. Watanabe n’a pas envie que ses « petits-enfants de moins de 10 ans subissent de violents typhons, provoqués par le réchauffement global ». Il a donc rejoint les 47 personnes qui ont porté plainte contre Jera, estimant que l’étude d’impact environnemental du projet avait été bâclée. Le groupe a manifesté, lundi 17 février, devant le siège de l’entreprise, à Tokyo, et lui a adressé une pétition signée par 7 150 personnes.
« Cette centrale doit générer 7,56 millions de tonnes de CO2 par an », affirme Rikuro Suzuki, leader du mouvement. Cela représente 10 % de la totalité des émissions du département de Kanagawa, où se trouve Kurihama. La centrale va aussi émettre des particules PM2,5 et d’autres polluants. « Elle est à proximité immédiate d’une zone résidentielle et nous ne sommes pas loin de Kamakura, site touristique majeur », ajoute Takao Seiki, membre des 48.
Source : Le Monde.fr