LETTRE DE TOKYO
Il aura fallu près d’une semaine pour obtenir une réaction officielle du gouvernement japonais sur la fuite de Carlos Ghosn, alors que l’événement interroge aussi la fiabilité de la sécurité au Japon à quelques mois des Jeux olympiques de Tokyo, l’été prochain. Lundi 6 janvier, la ministre de la justice, Masako Mori, a qualifié d’« injustifiable » le geste de l’ancien patron de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi et promis que les services d’immigration « renforceraient les contrôles pour qu’un tel incident ne se reproduise pas ». Le suivi des libérations sous caution, régime sous lequel se trouvait M. Ghosn, pourrait être renforcé, avec introduction de bracelets électroniques.
Service minimum pour un gouvernement étonnamment silencieux depuis l’annonce du départ rocambolesque de M. Ghosn. Le premier ministre, Shinzo Abe, n’a pas daigné s’exprimer. Sans doute était-il trop occupé par ses parties de golf. Selon son agenda officiel, il y a joué les 29 et 30 décembre, puis les 2 et 4 janvier. Ni les tensions entre Américains et Iraniens – alors qu’il se piquait de jouer les médiateurs entre les deux pays – ni donc la fuite du Japon de M. Ghosn n’auront amené le chef de gouvernement à renoncer à ses loisirs. Certes, le passage d’une année à l’autre est au Japon une période où le pays semble à l’arrêt pendant plusieurs jours. Mais cette discrétion affichée étonne.
Les médias japonais reprochent à M. Ghosn d’avoir fui ses responsabilités et d’« insulter le système judiciaire japonais ». Mais aucun ne s’interroge sur ce qui apparaît comme une faillite des services de sécurité japonais.
Loin d’être un expert de la clandestinité mais aidé par des relations libanaises et sans doute par d’anciens militaires, M. Ghosn a pu sortir de chez lui, parcourir – dans un caisson pour matériel audio, selon les enquêteurs turcs – les 500 kilomètres séparant Tokyo de l’aéroport d’Osaka et embarquer dans un avion, à la barbe des policiers, procureurs, agents de sécurité, douaniers ou encore officiers d’immigration de l’Archipel.
Pénurie d’agents de sécurité
La fuite a de quoi inquiéter, notamment à l’approche des Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo, prévus en juillet et août. Qu’en sera-t-il de la sécurité de l’événement dont le budget atteint aujourd’hui 716 millions d’euros contre 100 millions d’euros au moment du dépôt de candidature en 2013 ? Au total, 12 000 athlètes vont y participer. Près de 180 000 spectateurs y assisteront chaque jour. Les épreuves sont réparties dans l’ensemble du Japon sur 42 sites, dont certains à Sapporo, au nord, et à Fukushima, au nord-est.
Source : Le Monde.fr