Fait rare au Japon, le Yomiuri s’en est pris au parquet. Dans son éditorial du jeudi 13 juillet, le quotidien conservateur a critiqué la décision du procureur de Shizuoka (centre) de plaider la culpabilité lors du procès en révision accordé à Iwao Hakamada, un ex-prisonnier qui a passé quarante-huit ans dans le couloir de la mort avant d’être libéré en 2014 : de sérieux doutes entachent en effet l’enquête ayant conduit à sa condamnation à la peine capitale. S’ils ne pensent qu’à « sauver la face du parquet et maintiennent que l’enquête a été bien menée pour laver ce qu’ils considèrent comme un affront, ils ne feront que se discréditer auprès du public », écrit ce journal, rarement critique de la justice nippone.
La décision, annoncée le 10 juillet par les procureurs, a suscité une belle unanimité contre elle. Le quotidien de centre gauche Mainichi l’a qualifiée de « franchement incompréhensible » alors que les avocats et les soutiens de M. Hakamada la jugeaient « scandaleuse ». « Nous ne savons pas quel est leur objectif, protéger leur institution ou sauver la face », a expliqué Hideyo Ogawa, l’un des avocats, avant de dénoncer un « acte inadmissible contre les victimes de fausses accusations ».
Le procès en révision qui va s’ouvrir devra se prononcer sur la culpabilité d’Iwao Hakamada pour le meurtre, le 30 juin 1966, d’une famille de quatre personnes à Shizuoka. Les victimes étaient le directeur d’une fabrique de miso (soja fermenté), sa femme et leurs deux enfants. Ils avaient été tués à coups de couteau. Les corps avaient été retrouvés dans leur maison incendiée.
Doutes sur le sérieux de l’enquête
Ancien barman, ex-boxeur professionnel, Iwao Hakamada travaillait dans l’entreprise depuis plusieurs années. Divorcé, il avait un fils. Arrêté en août 1966, il a été condamné à mort en 1968, un verdict définitivement confirmé par la Cour suprême en 1980, au terme de multiples procédures menées sur la base d’éléments contestables. Iwao Hakamada avait avoué, avant de se rétracter, expliquant avoir été maltraité par la police. Il avait été interrogé 240 heures pendant vingt jours, battu, empêché de dormir, de boire et d’aller aux toilettes.
Les preuves du crime étaient des vêtements tachés de sang retrouvés plus d’un an après le crime dans une cuve de miso. Pour les enquêteurs, ils appartenaient à l’ancien boxeur. Or ils étaient trop petits pour lui. La persistance des doutes sur le sérieux de l’enquête, mais aussi la détermination de Hideko, la sœur d’Iwao Hakamada, épaulée par l’Association des boxeurs professionnels et Amnesty International, ont permis d’obtenir sa libération en 2014.
Il vous reste 49.92% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Source : Le Monde.fr