Au Japon, l’armée en mal de nouvelles recrues

L’imposant bâtiment d’un étage en briques rouges datant de la fin du XIXe siècle, sur la base navale d’Etajima, petite île de la mer Intérieure dans le département d’Hiroshima (Sud-Ouest), occupe le cœur de l’académie navale japonaise. Haut lieu de mémoire, l’école abrite les cendres de l’amiral Heihachiro Togo (1848-1934), le « Nelson de l’Orient », figure tutélaire de la marine nippone dont la carrière reste marquée par la victoire sur la flotte russe lors la bataille de Tsushima (1905). Pour la première fois, un Etat non occidental avait vaincu une puissance européenne.

Dans une vaste pièce du bâtiment principal, six élèves officiers au teint hâlé évoquent leur enrôlement dans les Forces maritimes d’autodéfense (FAD, l’armée nippone). Un choix rare dans un Japon confronté à une crise de vocations pour son armée. Au cours de l’exercice clos fin mars, à peine 4 300 Japonais se sont engagés, bien loin de l’objectif de 9 245 fixé par le gouvernement d’un pays travaillant au renforcement drastique de son outil de défense. Sur fond de tensions accrues avec la Chine et la Corée du Nord, une augmentation de 60 % du budget militaire est prévue sur cinq ans.

Les cadets d’Etajima, qui s’expriment anonymement, comme tous nos interlocuteurs des FAD, mettent tous en avant le souhait de « protéger le Japon et ses voies maritimes essentielles pour son approvisionnement ». Taro, fils de marin, perpétue aussi une tradition familiale. L’athlétique Daisuke dit avoir « toujours voulu aider ». « J’aime les sports nautiques et je déteste la boue, lâche-t-il. J’ai donc choisi la marine. » Shoko, elle, a étudié le chinois à l’université des langues étrangères de Tokyo. « J’ai lu La Guerre hors limites de Qiao Liang et Wang Xiangsui (Payot et Rivages, 2003). Ce livre décrit la guerre d’aujourd’hui qui touche tous les domaines, le cyber, le commerce, la culture. J’ai été impressionnée. Comme je suis née à Kagoshima, ville assez proche de la Chine, la question des voies maritimes m’a intéressée. » Quant à Jiro, son engagement vient de son séjour en Australie. « Un ami est entré dans l’armée. Cela m’a inspiré. J’ai d’abord pensé à l’armée de terre, mais le contexte difficile autour du Japon m’a incité à opter pour la marine, qui est en première ligne ».

La bonne réputation des militaires

L’attrait pour le statut de fonctionnaire explique aussi en partie ces choix, souligne un officier du bureau de recrutement de l’arrondissement de Minato, situé dans un vieil immeuble du cœur de Tokyo. Ce bureau, comme ceux des quarante-sept départements de l’Archipel, est la première étape vers l’engagement. Des photos d’avions ou de navires, des caricatures souriantes et colorées du personnel égaient timidement les murs gris. Un présentoir est consacré au magazine des FAD, Mamor (« protéger » en japonais), dont chaque « une » présente une jeune femme en uniforme.

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Source : Le Monde.fr

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