ALESSANDRO DI CIOMMO / ZUMA / REA
ReportageAutrefois associé à des rites de fertilité, le Kanamara matsuri (festival du pénis de fer) à Kawasaki suit un déroulé immuable. Des dizaines de milliers de personnes assistent à la procession de divinités incarnées dans des phallus géants. Depuis dix ans, un tourisme massif et un mercantilisme grivois se sont greffés à l’événement.
Ce dimanche 5 avril 2020, dans un bâtiment octogonal d’un bois sombre, un rituel codifié se déroule en silence, comme chaque année depuis 1977. Il est environ 10 heures, dans ce quartier ancien de Kawasaki, vaste cité industrielle située en bordure sud de Tokyo. Le petit temple shintoïste Kanayama est d’ordinaire interdit aux curieux. Mais ce jour est celui du matsuri, la célébration annuelle des divinités locales, et une trentaine d’invités ont pris place.
Un homme apparaît dans un somptueux kimono liturgique. Ses cheveux de jais sont surmontés d’un petit bonnet de cérémonie, son pantalon couleur pourpre indique un rang important. Il serre devant sa poitrine un sceptre rituel. Ce kannushi (« pasteur shinto ») s’appelle Hiroyuki Nakamura, et il préside à la cérémonie, assisté de deux femmes – sa mère et sa sœur. La seconde, Hisae, entonne des incantations après s’être inclinée devant l’autel.
Un officiant vêtu de blanc agite devant lui une baguette de bénédiction, avant de brûler des ex-voto dans un four sacré. Une odeur de cyprès flotte autour des invités, tous masqués contre le Covid-19, qui déposent, en offrande, des branches d’un arbre sacré.
Clergé en kimono d’apparat
Cette cérémonie, le Kanamara matsuri (« le festival du pénis de fer »), environ 2 500 curieux ont pu y assister en se connectant à la chaîne en ligne d’Omatsuri Japan, une agence tokyoïte spécialisée dans l’événementiel. Le cameraman Ken Sugawara y était. « En temps normal, il est impossible d’y assister, c’est réservé aux initiés. Mais le sanctuaire nous a permis de la filmer, car le reste du festival était annulé en raison de la pandémie », se souvient-il.
Une cérémonie diffusée sur Internet aux airs de pis-aller pour les amateurs du Kanamara matsuri qui viennent chaque année à Kawasaki pour assister à un moment hautement festif et grivois faisant la renommée du festival : la grande procession des statues de phallus dans la ville. Un défilé auquel, situation sanitaire oblige, le sanctuaire a dû renoncer.
« La procession s’élance d’ordinaire à 11 h 30 », raconte Hisae Nakamura, qui n’en a pas manqué une depuis la création du festival, et une folle ambiance s’empare alors de son quartier. Des dizaines de milliers de personnes – elles étaient 60 000 en 2019 – se massent autour du sanctuaire, dans les rues autour de la gare Daishi.
Toutes viennent voir les vedettes du jour : deux statues phalliques de fer et de bois, d’environ 1,30 m chacune, installées dans des mikoshi, des palanquins divins. On dit que c’est en elles que les divinités du sanctuaire s’incarnent. Une centaine de filles et de garçons en kimono font office de porteurs. Les voilà qui quittent le sanctuaire aux cris de « Phallus de fer ! Enorme phallus ! », que reprend une foule compacte et surexcitée. Sifflets, claquements de mains, flûtes et percussions rythment la procession, qui est précédée par un aréopage de vieux messieurs en costume – les aînés des comités de quartier – et différents membres du clergé en kimono d’apparat.
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Source : Le Monde.fr
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