Chronique. Alors qu’on repense à nouveaux frais l’intervention de l’Etat dans la « planification écologique » et la souveraineté industrielle, redécouvrir l’expérience japonaise en matière de politique d’innovation n’est pas sans intérêt, sans toutefois l’idéaliser ou vouloir la transposer telle quelle dans le contexte français, tant les systèmes d’innovation ont des logiques différentes.
Le livre de deux économistes japonais, Hiroyuki Okamuro et Junichi Nishimura, L’Economie du soutien à la R&D : vers une politique fondée sur des données probantes (Editions Yuhikaku, 2022, non traduit), vient d’être couronné par le prestigieux prix « Economiste » 2023, alors que la réputation du Japon a pâli ces dernières années en matière d’innovation. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la part publique des dépenses en recherche & développement (R&D) au Japon est seulement d’environ 17 %, contre près de 23 % aux Etats-Unis.
Car contrairement au « mythe » de la Silicon Valley, selon lequel le gouvernement jouerait un rôle mineur dans l’innovation, la réalité montre que l’Etat fédéral américain investit massivement, quoique souvent indirectement, dans l’innovation via les dépenses en matière militaire et de sécurité.
Un cap au bénéfice de l’intérêt général
De plus, la politique publique d’innovation ne se limite pas aux dépenses de R&D. Les deux auteurs s’appuient sur des données solides et originales (comptabilités d’entreprises, budgets gouvernementaux, brevets, etc.) pour décrire le design même des politiques d’innovation et mesurer leurs effets réels suivant plusieurs indicateurs (productivité des entreprises aidées ou de leurs partenaires commerciaux, etc.).
Les résultats montrent que les gouvernements ont un rôle à jouer en matière d’innovation lorsqu’il s’agit de fixer un cap au bénéfice de l’intérêt général, et que le marché échoue à coordonner les acteurs. Cependant, l’Etat est également faillible et il importe par conséquent d’évaluer ses politiques.
Les auteurs observent que la constitution de consortiums composés d’entreprises privées, d’universités et d’organisations gouvernementales a non seulement des effets sur la productivité des participants, mais ont aussi des retombées positives sur les partenaires commerciaux.
Une incitation à l’optimisation financière
Ils soulignent aussi que les intérêts et les idées des différents participants étant très hétérogènes, des problèmes d’aléa moral et de parasitisme apparaissent rapidement. Dans ce contexte, les subventions publiques facilitent la formation d’une confiance mutuelle, tandis que le contrôle gouvernemental des projets améliore indirectement les résultats en renforçant l’engagement des participants.
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Source : Le Monde.fr
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