Le centre pour personnes âgées de Santafe Garden Hills, à Tokyo, a des airs de maison de retraite futuriste. Des robots aident les malades à se lever, se coucher, s’asseoir, se déplacer. Des capteurs situés dans les matelas surveillent les fonctions organiques vitales, ce qui permet de réduire la fréquence des rondes de nuit. Des machines parlantes invitent – sans rencontrer beaucoup de succès – les pensionnaires à chanter à l’unisson avec elles.
Il existe une quarantaine d’établissements de ce type au Japon, où le gouvernement multiplie les initiatives pour faire face au vieillissement rapide par des approches transversales médico-sociales et des technologies de pointe (nanomédecine, robotique). « Les Japonais ne sont pas beaucoup plus avancés que nous, mais ils ont vu le problème se profiler depuis des années, alors que nous en sommes aux balbutiements », relève, à l’issue d’une mission à Tokyo, Xavier Emmanuelli, cofondateur de Médecins sans frontières (MSF), ancien secrétaire d’Etat à l’action humanitaire et qui préside actuellement le Samusocial international.
Il a trouvé, dans l’Archipel, un interlocuteur d’envergure pour travailler sur la question du vieillissement et de la mort : le chirurgien Oichiro Kobori qui, après avoir pris sa retraite, a choisi de devenir médecin de quartier rendant visite à des personnes en fin de vie. Tous deux sont de fervents avocats du maintien à domicile des personnes en fin de vie, accompagné de soins palliatifs.
Des aides-soignants en nombre insuffisant
Au cours des dernières années, Oichiro Kobori (dont le livre La Belle Mort, vivre sa mort à domicile au Japon a été publié en français, chez Atlande, en 2022) a accompagné 604 personnes, dont les trois quarts sont mortes chez elles. Il leur offrait une présence et parfois de petits plaisirs : une cigarette, une coupe de saké… « Souvent, à l’hôpital j’ai vu des malades gribouillant sur un bout de papier leur souhait de mourir chez eux », dit-il… « Sentir une fois encore l’odeur de paille fraîche des tatamis » était le vœu, au soir sa vie, du peintre Léonard Foujita (1886-1968). Un demi-siècle plus tard, beaucoup de Japonais y aspirent toujours.
« Le médecin doit comprendre la demande ultime du patient », poursuit le docteur Kobori. Mais, « c’est à la famille et non au patient que sont présentées les conclusions du diagnostic, constate le docteur Kae Ito, psychiatre, chargée du groupe de recherche sur l’inclusion à l’Institut de gériatrie de Tokyo. Médecins, nous sommes pris entre le respect de la demande de la personne qui dispose de ses facultés de discernement, et les valeurs prévalant au Japon, qui donnent la primauté à la famille ».
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Source : Le Monde.fr