Au Japon, les architectes ont moins la cote

« Cela devient très difficile de construire à Tokyo. La société est de plus en plus conservatrice. » C’est Kazuyo Sejima qui le dit, le pôle féminin de la célèbre agence Sanaa dont l’aura est, depuis le début du XXIe siècle, un phare pour les jeunes générations. Que ce soit en son nom propre ou au sein de cette agence qu’elle a fondée en 1995 avec Ryue Nishizawa, on lui doit un archipel de bâtiments légers comme des nuages – le New Museum à New York (2007), le Rolex Learning Center de l’Ecole polytechnique de Lausanne (2010), le Louvre-Lens (2012), le Musée Hokusai de Tokyo (2016)… – dont les espaces oniriques ont contribué à forger l’esthétique de notre temps. Le prix Pritzker qu’elle a reçu en 2010, avec Ryue Nishizawa, en prenait acte.

Quand la candidature de Tokyo a été retenue pour les Jeux olympiques (JO) de 2020, Kazuyo Sejima a voulu s’associer à ce moment qui promettait d’être grand pour sa ville. Elle n’avait pas imaginé que son agence ne remplirait pas les critères exigés. « Seules les très grandes entreprises étaient éligibles. Il fallait employer au moins cent architectes agréés et disposer d’un certain nombre de références dans le domaine des installations sportives. Bien que notre agence soit située au coin d’une rue où de nombreuses installations olympiques étaient prévues, la seule chose pour laquelle nous avons pu participer à un concours était un portail. Et nous avons perdu. »

Les JO de 1964 avaient conduit les architectes, sous la houlette de Kenzo Tange (1913-2005), à littéralement reconfigurer Tokyo. Ceux de 2020 – qui se sont finalement tenus, Covid-19 oblige, en 2021, dans des stades quasiment vides – ont engendré une série de bâtiments aussi fonctionnels qu’inexpressifs dispersés dans la zone livrée à une promotion immobilière sans foi ni loi qu’est aujourd’hui la baie de Tokyo. Seul équipement à avoir été construit au centre de la ville, le stade national olympique est aussi le seul qu’on a voulu confier à un grand architecte, une grande architecte en l’occurrence, l’Anglo-Irakienne Zaha Hadid (1950-2016).

Lire le récit (en 2015) : Article réservé à nos abonnés Le stade des JO de Tokyo, une question nationale

Lauréate du concours, elle a vu son projet rejeté à l’issue d’une polémique à rebondissements et c’est à Kengo Kuma, à l’issue d’une compétition qui ne mettait plus en concurrence des superstars de l’architecture mondialisée mais deux entreprises de construction japonaises, qu’a échu l’honneur de la remplacer. Si les auvents en bois qui rythment la façade du bâtiment en allègent avantageusement la massivité, si le toit en lattes tressées apporte à l’intérieur un raffinement appréciable, le geste n’en est pas moins retenu.

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Source : Le Monde.fr

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