En chemise rouge et le poing droit levé, voilà des révolutionnaires qui croient aux lendemains qui chantent. Mais leurs espérances se limitent à la « lutte de printemps », le « shunto », qui traditionnellement au Japon marque les négociations salariales dans les grandes entreprises. Les syndicalistes du Rengo, la principale organisation de travailleurs japonais, qui manifestent leur foi en tribune et aussi dans la rue, feront le bilan définitif de ces négociations annuelles ce vendredi 15 mars, mais on en connaît déjà le résultat. Et il est historique.
Les grands groupes ont en effet déjà dévoilé les augmentations pour l’année à venir. Ce mercredi 13 mars, Toyota a annoncé accepter les demandes des syndicats avec une hausse mensuelle des salaires de 170 euros (la firme ne donne jamais de pourcentage d’augmentation). C’est la plus forte augmentation depuis vingt-cinq ans. Chez l’informaticien NEC, l’augmentation atteint 4,3 %, chez le transporteur aérien ANA 5,6 % et chez le géant de la mécanique Mitsubishi Heavy Industries, 8,3 %.
La palme est décrochée par le sidérurgiste Nippon Steel, qui a tenu à aller au-delà de la demande syndicale avec des hausses de salaires atteignant, selon le quotidien économique Nikkei, les 14 %. Le groupe, qui tente d’acheter son concurrent américain US Steel, a ajouté qu’il était « essentiel de sécuriser ses talents prometteurs et de rendre les salariés plus productifs ».
Vers une sortie des taux négatifs ?
Que ne l’a-t-il pas constaté plus tôt. Toutes ces hausses ne trouvent pas d’équivalent dans le pays ces trente dernières années. Selon le journal Asahi Shimbun citant les statistiques du bureau du travail japonais et de l’Organisation de coopération et de développement économiques, les salaires réels japonais n’ont progressé que de 3 % sur l’ensemble de la période 1991-2020, quand ils augmentaient de 50 % aux Etats-Unis et au Royaume-Uni et de 30 % en Allemagne et en France. Et sur les deux dernières années, les salaires ajustés de l’inflation ont carrément baissé. L’agence Reuters rapportait, le 15 février, le cas de PME dans les services qui ont réduit le salaire de leurs employés face à la baisse de leur activité. Résultat, une chute drastique de la consommation qui en janvier 2024 a encore chuté de 6,3 %.
Depuis l’éclatement de la bulle immobilière au début des années 1990, le Japon ne parvient pas à sortir de ces décades perdues de stagnation, sauvé seulement par la puissance exportatrice de ses entreprises, par des plans de relance massifs financés par une dette extravagante et par la générosité de la Banque du Japon (BOJ), la seule banque centrale au monde à maintenir encore aujourd’hui des taux d’intérêt négatifs.
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Source : Le Monde.fr