Cent ans après le séisme de 1923, le Japon occulte toujours les massacres de Coréens qui ont suivi

Les célébrations, vendredi 1er septembre, du centenaire du tremblement de terre qui fit 105 000 morts à Tokyo et sa région se dérouleront, une nouvelle fois, en occultant l’autre catastrophe, directement liée au séisme : les massacres de Coréens, de personnes soupçonnées de l’être, mais aussi de militants politiques et de Chinois, dans les jours qui ont suivi la tragédie.

Le silence durable autour de ces massacres explique les difficultés du cinéaste Tatsuya Mori à réaliser son film Fukudamura jiken (« l’incident du village de Fukuda »), prévu pour sortir le 1er septembre. Le long-métrage relate un drame survenu cinq jours après le séisme, celui du meurtre de neuf marchands ambulants dans le village de Fukuda, aujourd’hui Noda, dans le département de Chiba (est de Tokyo). Les colporteurs faisaient partie de la communauté des burakumin, discriminée car considérée comme « impure ». Venus du département de Kagawa (Ouest), ils vendaient des médicaments le long du fleuve Tone. Ils ont été massacrés par une centaine de villageois parce qu’ils s’exprimaient dans le dialecte de Sanuki. Ils ont été confondus avec des Coréens.

Comme dans ses documentaires A et A2 sur les membres de la secte Aum Shinrikyo, responsable de l’attaque au gaz sarin, en 1995, dans le métro de Tokyo, M. Mori s’attarde sur la vie quotidienne des auteurs du massacre et les événements qui l’ont précédé. « J’ai voulu montrer que des gens bien peuvent se rendre coupables du pire sous la pression de leur environnement, a-t-il indiqué lors d’une conférence de presse, début août. Cela n’arrive pas qu’aux autres. Nous avons tous ça en nous. Le facteur déclenchant est un sentiment d’insécurité qui pousse à se rassembler, ce qui peut provoquer des drames. Les Japonais, en particulier, tendent à fonctionner comme ça. »

La réalisation du film n’a pas été simple, notamment pour réunir le budget nécessaire. Une campagne de financement participatif a généré 35 millions de yens (221 000 euros), la moitié des coûts de production. Il a aussi fallu trouver des acteurs, alors que les agences de stars hésitent à laisser leurs protégés apparaître dans des films abordant des sujets sensibles. A l’affiche figure toutefois Arata Iura, un habitué des films polémiques comme ceux sur l’Armée rouge japonaise. L’actrice Rena Tanaka a rejoint le projet en raison de la guerre en Ukraine. « J’ai trouvé des similitudes entre l’invasion de l’Ukraine et la tragédie de Fukuda », a-t-elle expliqué.

Militants politiques assassinés

En 1923, dans la panique qui a suivi le séisme, des rumeurs se sont répandues prétendant que des migrants de Corée, alors colonie du Japon, avaient empoisonné les puits, allumé des incendies et provoqué des émeutes. A l’époque, les Coréens venaient au Japon pour travailler dans une industrie en manque de main-d’œuvre. Quatre ans après le mouvement du 1er mars 1919 en faveur de l’indépendance de la péninsule, les autorités japonaises les considéraient comme des factieux et les surveillaient de près.

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Source : Le Monde.fr

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