LETTRE DE TOKYO
Le Japon passe pour un pays où tout fonctionne parfaitement et dont les habitants font preuve de civisme… Ce qui n’est pas faux. Mais la politique erratique du gouvernement de Yoshihide Suga pour maîtriser une nouvelle vague de contamination irrite et inquiète l’opinion. Les Japonais sont prêts à respecter les directives des autorités mais encore faut-il qu’elles soient claires. Or elles se révèlent confuses, contradictoires et non exemptes d’arrière-pensées.
Le Japon a été marginalement touché par la première vague de contamination par le Covid-19 : mal maîtrisée par le gouvernement, elle a été cependant d’une ampleur bien moindre qu’en Europe et aux Etats-Unis en raison de la discipline individuelle des Japonais (port du masque, hygiène, distanciation physique inscrite dans les mœurs). Mais depuis le milieu de novembre, l’archipel connaît une nouvelle progression des contaminations. Cette troisième vague (après celle du printemps et de l’été) s’annonce plus forte que les précédentes : le 9 décembre, le Japon dénombrait 164 000 cas de contamination et 2 382 morts depuis le début de la pandémie, mais le nombre des cas graves est en augmentation.
Les hôpitaux sont à la limite de leur capacité. Au point que les villes d’Asahikawa (Hokkaido), où la contagion s’étend, et d’Osaka, placée en état d’urgence sanitaire, font appel au personnel médical de l’armée pour faire face à l’afflux des malades. La semaine dernière, le ministre de la santé publique, Norihisa Tamura, appelait le pays à se préparer au « pire scénario » : une tension croissante sur le système sanitaire qui risque de ne pas pouvoir faire face à l’augmentation des hospitalisations.
« Go to… Covid-19 »
Les causes de cette recrudescence des contagions sont multiples mais une en particulier est pointée par le corps médical : la campagne de promotion du tourisme domestique (baptisée « Go to Travel »), subventionnée par l’Etat. Lancée en juillet par le premier ministre Shinzo Abe, elle est poursuivie par son successeur, Yoshihide Suga. Mieux : alors qu’elle devait s’arrêter en janvier, il l’a prolongée jusqu’en juin 2021. Une enquête, menée auprès de 24 400 personnes par quatre instituts de recherches médicales japonais et américains, publiée le 6 décembre, met en lumière une plus forte proportion de contamination parmi les participants à la campagne de promotion du tourisme.
Le département d’Hokkaido et la ville d’Osaka en ont été exclus mais Tokyo (où les nouveaux cas sont de l’ordre de 400 à 500 par jour) reste sur la liste, au grand dam de la gouverneure de la capitale, Yuriko Koike, qui appelle les seniors à ne pas voyager.
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Source : Le Monde.fr
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