Des mangas aux kanjis, l’empreinte japonaise sur le graphisme français

« En arrivant pour la première fois à Tokyo, je me suis demandé pourquoi j’avais attendu autant de temps pour y aller », lance Vahram Muratyan, artiste et designer graphique. Son dernier projet, qui sort le 22 septembre, un antiguide de voyage sur la culture nippone, raconte son désir constant d’y retourner depuis un voyage initiatique en 2013. « Mon précédent livre, Paris vs New York, venait d’être publié en japonais. J’ai pris ce prétexte idéal pour enfin oser y aller. Arrivé en plein sakura, saison des cerisiers en fleurs, ce fut à la fois un choc et une évidence », se souvient-il.

Dans Va au Japon (Les Arènes, 188 pages, 20 euros), le style de Vahram Muratyan, reconnaissable à ses lignes épurées et à ses aplats de couleur intense, raconte ses traversées de l’archipel nippon depuis presque dix ans. Dès la couverture rouge et indigo du livre, le voyage graphique du lecteur démarre à travers des vignettes dessinées, en forme de hublots, qui rappellent ceux de l’avion ou ceux du Shinkansen (le TGV japonais).

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Design : à Milan, les studios japonais font leur effet

Ainsi surgissent au fil des pages (ou des hublots), l’emblématique mont Fuji, la vague du tsunami ou celle plus célèbre du peintre Hokusai, ou encore la Tokyo Tower. « Ces symboles du Japon sont devenus des images logotypées, ultra-simplifiées jusqu’à même finir en émojis, ce langage graphique devenu universel sur nos téléphones », fait remarquer Vahram Muratyan.

Ces émojis nippons sont un des exemples de la forte influence du Japon dans le monde du graphisme en Europe. Le manga, les films d’animation de Miyazaki, la pop culture dans son ensemble, se sont peu à peu immiscés dans la création graphique hexagonale. « C’est presque devenu aussi fort que l’influence de Disney », estime Mathias Augustyniak, du duo de graphistes français M/M.

« Toucher à l’essentiel »

Le point de départ de cette empreinte japonaise en France pourrait bien être justement la célèbre affiche No Ghost Just a Shell, que le duo M/M réalise en 2000. Cette création mélangeant culture du street art et culture manga, dont l’artiste Banksy ne renierait pas la filiation, était une référence directe au manga futuriste et cyberpunk du dessinateur japonais Masamune Shirow, Ghost in the Shell, sorti en 1989. Cette œuvre devenue culte posait alors la question : qu’est-ce qu’être humain, dans une société robotisée ?

« Les Japonais travaillent sur l’idéogramme, la lettre peinte, dont la perception se situe entre le lisible et l’illisible » Mathias Augustyniak, graphiste

Les créateurs français démarrent dès cette période une relation à la fois intime et intense avec le Japon qui ne s’est plus interrompue. Les M/M ont aussi noué des liens très étroits avec une figure contemporaine du graphisme japonais, Katsumi Asaba. Ce directeur artistique est le fondateur du Tokyo Type Directors Club et représentant du Japon au sein de l’Alliance graphique internationale. « Les Japonais ont un rapport au signe qui nous a toujours attirés. Ils travaillent sur l’idéogramme, la lettre peinte, dont la perception se situe entre le lisible et l’illisible », poursuit Mathias Augustyniak.

Il vous reste 62.39% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source : Le Monde.fr

Japonologie:
Leave a Comment