En décembre 2022, le Japon a franchi un nouveau cap en décidant de rompre ouvertement avec ses principes strictement défensifs : dans le cadre de sa nouvelle « stratégie de sécurité », il s’apprête à doubler son budget militaire et achète des missiles américains utilisables de manière préventive. Au fil des années, le Japon est devenu, en dépit de sa Constitution pacifique, une puissance militaire. Longtemps en retrait, il apparaît désormais comme un partenaire à part entière du camp occidental. Les limites de sa marge de manœuvre diplomatique n’en sont pas moins apparentes.
Sous pression de l’OTAN pour accroître son soutien à l’Ukraine, le premier ministre, Fumio Kishida, a dû rappeler que le Japon est tenu par les « trois principes » datant de 1967 : ne pas exporter d’armes vers les pays du bloc communiste, les pays sous embargo international ou ceux impliqués dans des conflits. Assouplis, ces principes restent cependant très restrictifs.
M. Kishida est le seul dirigeant du camp occidental à ne pas s’être rendu à Kiev pour témoigner de sa solidarité au président Volodymyr Zelensky. Le Japon, situé dans une région où, de l’Inde à l’Asie du Sud-Est, les acteurs préfèrent s’abstenir de s’identifier à un camp au risque d’être entraînés dans une confrontation entre blocs, reste prudent. « Aller à Kiev ne ferait que souligner la position du Japon à la veille du G7 » (qu’il doit accueillir en mai à Hiroshima), estime une source gouvernementale citée dans le quotidien Asahi Shimbun le 22 février.
Symptôme du profil bas
L’absence, « en raison des débats parlementaires », du ministre des affaires étrangères japonais, Yoshimasa Hayashi, lors d’une rencontre entre ses homologues du G20 à New Delhi le 2 mars, a été remarquée et pourrait être un symptôme du profil bas adopté par le Japon.
Sur le plan géostratégique, en revanche, Tokyo participe activement au redéploiement des forces des Etats-Unis et de leurs alliés le long de la guirlande des grands archipels qui s’étendent en arc de cercle face à la Chine, de Hokkaido aux Philippines en passant par Taïwan.
Après avoir donné l’accès aux forces américaines de quatre nouvelles bases militaires aux Philippines – qui s’ajoutent aux cinq qui leur sont déjà ouvertes – le président Ferdinand Marcos Jr a lancé, au cours de sa visite à Tokyo, en février, l’idée d’un accord tripartite de sécurité entre son pays, les Etats-Unis et le Japon, qui ferait pendant à la coopération militaire trilatérale existant entre ces deux derniers pays et la Corée du Sud.
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Source : Le Monde.fr