Il peut paraître paradoxal, sinon révélateur de l’état du monde, que le G7 se soit tenu cette année à Hiroshima, première ville victime du feu nucléaire, le 6 août 1945, où est gravé sur le monument aux victimes : « Plus jamais, nous ne commettrons la même erreur » – « nous » signifiant l’humanité. Or, dans cette ville martyre où furent pulvérisées d’un coup 70 000 vies humaines, c’est la guerre – en Ukraine et celle que risque d’entraîner l’antagonisme entre la Chine et les Etats-Unis – qui a été au centre des débats.

Deux pays aux funestes passés, l’Allemagne et le Japon, anciennes puissances de l’Axe vaincues en 1945, dont la singularité stratégique était un pacifisme affiché, sont apparues pour la première fois à ce G7 comme des puissances « normales », affichant des budgets de défense en hausse et appelées à jouer un rôle dissuasif face à l’« axe despotique euro-asiatique ».

Dans ces deux pays, le pacifisme répondait à la définition qui en avait été donnée au 16e congrès universel de la paix, tenu à Munich en 1907 : une doctrine d’action pour « supprimer la guerre et résoudre par le droit les différends internationaux ». En 1947, le Japon introduisit dans sa Constitution un article par lequel il « renonce pour toujours à la guerre en tant que droit souverain de l’Etat et à la menace ou l’emploi de la force comme instrument pour résoudre les conflits internationaux ». Y fut-il contraint par l’occupant américain ? La question reste ouverte.

Marqueurs de l’après-guerre

En dépit de la virulence de la droite, qui y voyait une « amputation de la souveraineté », le pacifisme fut, pour des décennies, la doctrine à laquelle la majorité des Japonais adhéra par conviction, par crainte d’un retour du militarisme ou par résignation expiatoire. Démocratie et pacifisme furent les indissociables marqueurs de l’après-guerre.

Adoptée en 1949, la Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne (RFA) est moins restrictive. Si le préambule stipule que le « peuple allemand » est « animé de la volonté de servir la paix du monde en qualité de membre égal en droits dans une Europe unie », seuls les « actes susceptibles de troubler la coexistence pacifique des peuples (…) en vue de préparer une guerre d’agression sont inconstitutionnels », précise l’article 26.

Face à la République démocratique allemande (RDA) dans l’orbite soviétique, la RFA devait en effet purger les démons de la seconde guerre mondiale sans renoncer à pouvoir se défendre dans le contexte de la guerre froide. Dès 1955, une armée – la Bundeswehr – fut reconstituée dans le cadre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, mais elle fut d’emblée placée sous un étroit contrôle parlementaire. A partir des années 1990, sa participation à plusieurs opérations extérieures – de l’ex-Yougoslavie à l’Afghanistan en passant par le Sahel – n’a pas changé la donne : celles-ci se sont limitées à des actions de maintien de la paix, et l’Allemagne est fondamentalement restée une « puissance civile », selon l’expression du politologue Hanns Maull.

Il vous reste 47.49% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source : Le Monde.fr

Partagez !

Laisser un commentaire