LETTRE DE KYOTO
Avec le rougeoiement des érables et le flamboiement jaune doré des ginkgos, les touristes étrangers ont commencé à revenir dans l’ancienne capitale impériale. Kyoto, berceau identitaire du Japon par son histoire, son sacré et ses arts, situé de surcroît dans un splendide environnement naturel, est devenu, en quelques années, l’aimant d’un tourisme de masse venu de l’étranger. Ce déferlement a bouleversé l’atmosphère paisible et raffinée de cette ville aux deux mille temples et sanctuaires, où le passé nourrit si intensément le présent qu’elle semble s’être dérobée au temps.
La brusque retombée du tourisme de masse étranger, à partir de mars 2020, en raison de la pandémie fut d’abord ressentie par les habitants comme un soulagement : au cours des années précédentes, Kyoto avait subi de plein fouet les effets de l’ambition du précédent premier ministre, Shinzo Abe (2012-2020), de faire passer le nombre des touristes étrangers dans l’archipel à 40 millions en 2020 et à 60 millions en 2030. Après la chute drastique des trois dernières années, le gouvernement de Fumio Kishida renoue avec ces objectifs et compte attirer plus de 40 millions de touristes en 2025, année de l’Exposition universelle à Osaka.
Longtemps, Kyoto a été un site touristique fréquenté majoritairement par des Japonais et la grande destination des groupes de lycéens pour découvrir la richesse de la culture nationale. Puis, de 500 000 en 2008, le nombre des touristes étrangers est passé, dix ans plus tard, à 10 millions.
Nouveaux parcours fléchés
Bien que minoritaire dans le total des 50 millions de visiteurs à s’être rendus à Kyoto en 2019, leur présence en masse a affecté la vie des habitants : embouteillages, transports publics encombrés par des bagages volumineux, déchets abandonnés dans les rues ou dans les jardins, mitraillage au flash des maiko (apprenties geishas) trottinant au début de soirée vers quelques restaurants traditionnels, groupes agglutinés devant les étals des boutiques et des devantures des gargotes de l’étroit passage couvert du pittoresque et quatre fois centenaire marché de Nishiki perturbant l’activité des marchands…
Même de petits quartiers résidentiels avaient commencé à subir la présence, peu discrète, de touristes étrangers logés dans les Airbnb locaux qui ont fleuri au point que la municipalité dut prendre des mesures sévères pour contrôler l’hébergement privé. Les kimonos aux couleurs criardes loués par les touristes donnaient aussi au centre-ville un côté Disneyland pour adultes… Et, comme à Venise, la gêne des habitants se mua en agacement.
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Source : Le Monde.fr
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