La stabilité politique du Japon a de quoi surprendre : un parti dominant, libéral-démocrate, le PLD, est au pouvoir pratiquement sans discontinuer depuis 1955. Mais cette stabilité a son revers : elle cache un « sous-bois » que fait apparaître au grand jour une vaste enquête du parquet sur les « caisses noires » des élus. La crise qui s’ouvre est « l’une de celles qui se produisent une fois par génération », estime l’analyste de la politique japonaise Tobias Harris.
La « purge », à la mi-décembre, de quatre ministres et de cinq vice-ministres impliqués dans le scandale accentue l’impopularité du premier ministre, Fumio Kishida. Près de 80 % des personnes interrogées lors d’un sondage du quotidien Mainichi désapprouvent le premier ministre, également président du PLD. M. Kishida, faute du soutien de l’opinion, a peu de chances de pouvoir imposer des réformes. Et ses potentiels successeurs prennent position.
Les révélations sur les liens de 179 élus libéraux-démocrates avec la controversée Eglise de l’unification (secte Moon), en 2022, et le scandale lié à l’existence de « caisses noires » entament un peu plus la confiance de la population en un système politique dont la stabilité tient en partie au fort taux d’abstention lors des élections, révélateur d’une défiance des électeurs. Près de la moitié des Japonais ne se rendent plus aux urnes.
Par le passé, la politique japonaise n’a pas été épargnée par les scandales financiers de grande ampleur. Cette fois, il ne s’agit pas d’une affaire d’enrichissement personnel ou de corruption, mais du financement occulte du PLD lui-même, l’élément central du fonctionnement du pouvoir politique.
Rivalité et coopération
Né en 1955 de la fusion des deux partis conservateurs (libéral et démocrate) pour faire front à une gauche alors puissante, le PLD a mis en place une machinerie politique efficace. Celle-ci repose sur le jeu de factions constituées autour d’une figure puissante du parti, ralliant autour d’elle des élus. Ce « factionnalisme » se conjugue à de solides connivences avec la haute administration et les grandes entreprises. C’est ce « triangle de fer » qui a permis au PLD de dominer la vie politique japonaise pendant des décennies.
Reflétant des sensibilités politiques diverses (allant de la droite révisionniste – qui défend la réhabilitation du Japon impérial – au libéralisme bon teint), les factions en compétition nourrissent un débat interne. Rivalisant pour les postes, elles coopèrent pour conserver le pouvoir au PLD.
Il vous reste 60% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Source : Le Monde.fr