Ezra F. Vogel, à la Bibliothèque nationale de Chine, à Pékin, le 19 janvier 2013. Ezra F. Vogel, à la Bibliothèque nationale de Chine, à Pékin, le 19 janvier 2013.

Sociologue, internationaliste et analyste, Ezra F. Vogel est mort le 20 décembre, à Cambridge (Massachusetts), à l’âge de 90 ans. Cet extraordinaire communicant de son savoir, né le 11 juillet 1930 à Delaware (Ohio), a un parcours qui symbolise les mutations de la Chine, de l’Asie et de leurs relations avec les Etats-Unis.

Bien plus observateur que théoricien, il promenait son miroir le long de ses chemins, et avait le don de tirer des conclusions claires et pratiques. Elles ont marqué à plusieurs reprises leur époque, depuis Japan as Number one. Lessons for America (Harvard University, 1979, non traduit) jusqu’au monumental Deng Xiaoping and the Transformation of China (Harvard University, 2011, non traduit) : deux succès d’édition avant tout au Japon et en Chine. Au-delà de ses écrits, il a été le mentor de générations successives de sinologues américains et étrangers – avant de devenir le confident des nombreux étudiants et chercheurs chinois de passage à l’université Harvard, y compris les enfants des plus grands dirigeants.

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Après deux ans dans l’armée américaine, il avait acquis à Harvard un doctorat de sociologie de la famille (1958), et il n’a jamais quitté le campus de Cambridge de 1961 à sa retraite, en 2012 – et même au-delà : dans sa modeste maison en bois à deux rues de distance du campus, il a accueilli et hébergé un nombre incalculable de visiteurs liés à l’Asie orientale. Il a aussi été (1993-1995) le National Intelligence Officer pour l’Asie de l’administration Clinton, et a gardé un rôle de conseiller informel des administrations démocrates.

« Géant magnanime »

Son rôle actif de mentor en fait un des grands parrains de la sinologie américaine. Son influence provient aussi de qualités indissociables d’écoute et de communication. Il est ainsi extrêmement difficile de trouver un adversaire acharné d’Ezra Vogel. Il est salué à son décès aussi bien par le porte-parole des affaires étrangères chinoises, qui lui décerne l’appellation de « grand ami de la Chine », que par Wang Dan, le leader étudiant des événements de Tiananmen, qui rappelle leurs désaccords, mais le qualifie de « géant magnanime ».

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Ezra Vogel fut donc un politique à sa manière, engagé dans les relations sino-américaines, et parfois critiqué pour son indulgence envers le régime chinois. Organisateur officiel de la visite à Harvard du président chinois Jiang Zemin en 1998, il prônait activement dans ses dernières années la reprise de la politique d’engagement avec la Chine.

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Source : Le Monde.fr

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