Avec la libération, vendredi 28 mai, de Fusako Shigenobu qui fut le visage de l’Armée rouge japonaise (Nihon sekigun), groupuscule terroriste qui a commis une série d’attentats meurtriers à travers le monde dans les années 1970-1980, se tourne une page de l’histoire des « années de plomb » .
C’est une femme âgée (76 ans), le visage caché par un masque, portant un large chapeau noir et un bouquet de fleurs dans les mains qui a quitté le centre pénitencier médicalisé de Hachioji à Tokyo en compagnie de sa fille. Une trentaine d’anciens militants étaient présents ainsi qu’une centaine de journalistes. « Notre combat vieux d’un demi-siècle a fait souffrir des innocents et pour cela je présente mes sincères excuses », a-t-elle déclaré.
Jusqu’à son arrestation à Osaka, en novembre 2000, Fusako Shigenobu avait été la terroriste la plus recherchée par Interpol, terrée quelque part dans la vallée de la Bekaa au Liban. Condamnée à vingt ans de réclusion criminelle en février 2006, celle que la presse japonaise baptisa la « Reine de l’Armée rouge » fut la figure emblématique de la « génération funèbre », née sur le ressac du mouvement étudiant, qui se lança dans la lutte armée. Une dérive qu’incarnèrent également les Brigades rouges italiennes et la Bande à Baader, dans l’ex-Allemagne de l’ouest.
« Nos espoirs se sont mués en tragédie »
La femme aux joues creuses et aux cheveux grisonnants, coupés à la garçonne, revenue en 2000 au Japon dans l’espoir de relancer le mouvement dans l’archipel, n’était plus la jeune étudiante à la beauté énigmatique et au visage encadré de longs cheveux dont la photo avait figuré pendant trois décennies dans les postes de police et les bureaux d’immigration nippons.
Fusako Shigenobu, qui ne participa pas elle-même aux attentats perpétrés par l’Armée rouge, fut condamnée lors de son procès pour avoir organisé une prise d’otage à l’ambassade de France à La Haye en 1974 – au cours de laquelle trois policiers furent grièvement blessés. Tout en reconnaissant qu’elle n’avait pas participé directement à cette opération, ni à d’autres, le tribunal n’en estima pas moins qu’elle en était l’instigatrice en tant que « figure centrale du groupe terroriste ».
A l’énoncé du jugement, elle avait levé le poing en direction d’une dizaine de sympathisants sexagénaires qui avait pris place dans la salle d’audience. Dans un message écrit, elle avait néanmoins exprimé ses regrets : « Face aux juges, j’ai senti peser sur moi les regards de nos victimes comme de mes camarades tombés en luttant. » En avril 2001, elle avait annoncé la dissolution du groupuscule. Puis, dans une interview écrite au Japan Times en 2017, elle avait reconnu : « Nos espoirs de révolution n’ont pas été atteints et se sont mués en tragédie. »
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Source : Le Monde.fr