Dans les années 1960 et 1970, Hitomi Watanabe (née en 1943) et Miyako Ishiuchi (née en 1947), lauréate du prix international de la Fondation Hasselblad (2014), sont devenues photographes un peu par hasard. La première travaillait pour une petite maison d’édition jusqu’à ce qu’on lui demande d’aller photographier un auteur. « Je n’avais jamais pris de photo et j’ai pensé que si je voulais conserver mon travail, je devais apprendre. Je me suis inscrite à l’Ecole de photographie de Tokyo. J’étais la seule fille ! C’était en 1967 », raconte-t-elle à la galerie Zen Foto à Tokyo, où elle expose une série de photos sur ses multiples séjours en Inde et au Népal. « Ces photos, c’est la seconde partie de ma vie… »
Pour son diplôme, en 1968, elle avait choisi comme thème les marchands forains. Puis, elle s’est mise à parcourir le quartier de Shinjuku, foyer d’une effervescente contre-culture et du mouvement d’opposition à la guerre du Vietnam à la fin des années 1960 : « Shinjuku était alors habité par une fureur de vivre : tout le monde voulait se libérer des contraintes », raconte-t-elle.
Hitomi Watanabe saisit l’atmosphère des rues et de leur faune (Shinjuku 1968). Puis elle suit les manifestations étudiantes : armés de lances en bambou et de cocktails Molotov, des milliers de contestataires, manœuvrant comme des phalanges, affrontent la police antiémeute. « Comme j’étais une fille, les flics ne faisaient pas attention à moi. Je prenais les photos que je voulais. » Sa série consacrée à la révolte étudiante la plus longue et la plus violente de l’époque, vue de l’intérieur du Zenkyoto (« Front uni interfacultés »), est publiée en 2015 dans Tokyo University 1968-1969), livre tiré à 500 exemplaires chez Zen Photo Gallery.
L’enlisement du mouvement étudiant la pousse ensuite à changer d’univers. En Inde et au Népal, elle découvre « le sublime chaos de la vie » : une spiritualité, les fleuves au cours somnolant, les fleurs de Lotus (Open Lotu), les singes du temple Swayamblunath surplombant Katmandou, auxquels elle a consacré un livre.
« Halo d’éternité »
Miyako Ushiuchi est arrivée également à la photographie par hasard. Alors qu’elle étudie la teinture des textiles, un ami lui offre du matériel de développement photographique dont il n’a plus usage. « En photographie, je suis une autodidacte. Ce que j’en ai d’abord connu, c’est la chambre noire. J’aimais plus être là, coupée du monde, que de prendre des photos ! », raconte-t-elle dans sa maison-atelier à Kiryu (département de Gunma), au nord-est de Tokyo. Toute sa vie, elle a continué à porter une attention particulière aux tirages.
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Source : Le Monde.fr