Tribunes. La situation démographique du Japon est bien connue : depuis 2010, on y observe une baisse continue et absolue de la population. Celle-ci est aujourd’hui d’environ 125 millions (dont 2 millions de résidents étrangers, soit 1,6 % du total), contre 128 millions en 2010. Selon les estimations du gouvernement, cette baisse va s’accélérer dans les années à venir à un rythme d’environ 1 million par an, pour aboutir au chiffre de 70 millions d’habitants en 2060 si les tendances actuelles restent inchangées.
Outre une politique migratoire très restrictive, la cause principale en est l’effondrement de la natalité. Au milieu des années 1980, le taux de fécondité (environ 1,8) était encore comparable à celui de la France ; il a chuté depuis pour atteindre 1,36 aujourd’hui. Après un très court baby-boom après la guerre, entre 1947 et 1949, avec un taux de fécondité de 4,5, celui-ci a chuté à 2 dès 1957, puis en-dessous de 2 après le milieu des années 1970.
Cette évolution a donc pris place en plein cœur d’une période de forte croissance (les « trente glorieuses » japonaises), mais dans le contexte d’une transformation rapide et profonde de l’économie et de la société japonaises. Certes, des politiques antinatalistes voient le jour après-guerre, avec la loi de protection eugénique de 1948, qui, dans la continuité d’une loi précédente de 1940, fixe un cadre légal pour la stérilisation et l’avortement, mais il n’y a rien de comparable avec la politique de l’enfant unique introduite trente ans plus tard en Chine populaire. Surtout, dans le contexte d’après-guerre, le surpeuplement du pays reste une thématique classique et de plus en plus une réalité pour les Japonais, qui se concentrent dans les grands centres urbains.
Records mondiaux de longévité
Il faut attendre les années 1990 et l’« Angel Plan » de 1994 puis le « New Angel Plan » de 1999 pour voir se mettre en place une politique familiale un peu ambitieuse, avec l’augmentation des allocations familiales, des avantages fiscaux et l’extension des congés maternité. Il faudra même attendre les années 2010 et le gouvernement ultra-conservateur de Shinzo Abe (2012-2020) pour que se mettent en place des mesures de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, à travers les politiques dites de « Womenonmics », dont l’objectif était de promouvoir, en même temps, l’égalité professionnelle homme-femme et la natalité. Certaines mesures, comme le congé paternité, sont restées cosmétiques, mais l’augmentation des solutions pour la garde d’enfants, comme l’ouverture de nouvelles crèches, a marqué un tournant dans un pays où maternité rime avec retrait du marché du travail pendant plusieurs années et temps partiel par la suite.
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Source : Le Monde.fr