Quand l’énorme bulle boursière et immobilière a éclaté au Japon, au début des années 1990, la plupart des observateurs s’attendaient à une correction nécessaire de quelques années. Plus d’un quart de siècle a passé, et le pays ne s’est toujours pas sorti d’une spirale déflationniste et d’une croissance en berne, même si la situation s’est quelque peu améliorée ces dernières années. Le même sort attend-il la zone euro ?
Les parallèles sont saisissants. Au mois d’août, l’indice des prix en zone euro était négatif, à – 0,2 %. La récession, en 2020, est bien sûr exceptionnelle (– 8 % attendus par la BCE, la Banque centrale européenne), mais elle fait suite à une décennie de croissance réelle par habitant très médiocre, autour de 1 % par an, au même niveau que le Japon. Quant aux taux d’intérêt, ils sont à zéro ou négatifs au Japon depuis 1999, et suivent la même tendance en zone euro depuis 2008, désormais à – 0,5 %.
Louis Boisset, économiste à BNP Paribas, estime que la situation européenne n’est pas encore aussi mauvaise : « On n’est pas en déflation en zone euro. Ce n’est pas encore un phénomène durable. » Mais il le reconnaît : « La situation européenne fait penser à une “japonisation”. Heureusement, il existe des solutions. »
- Des chocs répétés sur la croissance
Dans les années 1980, le Japon connaît une bulle majeure d’endettement des ménages et des entreprises. La croissance réelle atteint 4,5 % par an, et la Bourse s’envole. Vers la fin de la décennie, à travers le monde, des poussées inflationnistes provoquent des hausses de taux d’intérêt, qui contribuent au retournement boursier. La bulle japonaise éclate.
Le phénomène est somme toute assez courant, et de nombreux pays, dont la Suède, ont rebondi après une telle crise. Mais les autorités nippones ne réagissent pas, ne restructurant pas les banques asphyxiées par les créances douteuses. Ces dernières ralentissent leurs prêts, étouffant la reprise.
En 1997, nouveau choc : la crise venant de Thaïlande se répand dans toute l’Asie. Là encore, l’apathie des autorités japonaises génère une panique bancaire. Enfin, en 2008, la crise financière mondiale, puis l’explosion de la centrale nucléaire de Fukushima, en mars 2011, provoquent deux nouveaux chocs majeurs.
Ces secousses à répétition ne sont pas sans rappeler le sort de la zone euro. En 2008, la crise financière émanant des Etats-Unis a mis l’économie européenne à genoux. En 2011, la hausse trop rapide des taux d’intérêt, les politiques budgétaires trop restrictives et l’incapacité à éteindre l’incendie venant de Grèce ont ajouté une deuxième récession, qui aurait pu être évitée. La pandémie du Covid-19 crée un troisième choc historique.
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Source : Le Monde.fr