Après une interruption de trois ans en raison de la pandémie de Covid-19, les « fêtes des corps nus » (hadaka matsuri) ont repris au Japon. Rites de purification et de renouveau du cycle agraire se déroulant en février (début de l’année lunaire), ces fêtes, parfois millénaires, réunissent encore des milliers de participants – et une nuée de touristes.
Elles ont aussi évolué sous le double effet du vieillissement de la population et de la progression (timide) de l’égalité entre les sexes dans le pays. Les femmes n’étaient certes pas formellement exclues de ces festivités dans lesquelles les hommes, vêtus d’un simple cache-sexe traditionnel (fundoshi : une longue bande de coton blanc torsadée passant entre les jambes et noué autour des reins), tiennent la vedette. Elles contribuaient déjà à leur organisation et participaient, en tant que spectatrices, par leurs encouragements (« washoi ! washoi ! », « allez-y ! allez-y ! »). Mais la gente féminine était, jusqu’à récemment, exclue de la plupart des rituels de cette exaltation sacrée.
Depuis cette année, revêtues d’une veste traditionnelle (happi) les couvrant jusqu’aux hanches et d’un short blanc, elles participent aux célébrations religieuses dans la plupart des temples et sanctuaires, portant sur leurs épaules de longs troncs de bambous auxquels sont attachés les souhaits des habitants. Elles restent néanmoins en retrait de la mêlée des hommes. Malgré un large écho dans la presse, l’évolution est donc moins historique qu’il y paraît, car avant la révolution de Meiji (1868), ces fêtes étaient mixtes : épousant les critères de bienséance occidentaux, les dirigeants de l’époque avaient banni les femmes de ces décharges collectives d’énergie.
Purification et bouc émissaire
Concrètement, les fêtes des corps nus commencent au crépuscule. Des centaines, voire des milliers, d’hommes de tout âge, le crâne ceint d’un linge torsadé (hachimaki) pour éviter que la transpiration leur voile la vue, et vêtus d’un fundoshi, commencent par se purifier : les pieds dans une rivière ou dans la mer, ils s’aspergent d’eau glacée à l’aide de baquets.
Puis, après avoir prié pour de bonnes récoltes, ils se ruent dans une cohue de corps à demi nus brandissant des lanternes sur le chemin parfois enneigé menant à un temple bouddhiste ou à un sanctuaire shinto (polythéisme local visant à mettre l’homme en harmonie avec le monde qui l’entoure), aux cris de « Jassa joyasa ! » (« Hors d’ici les mauvais esprits ! ») qui résonnent dans les futaies avoisinantes. La mêlée se poursuit dans l’enceinte du temple ou du sanctuaire pour attraper au vol des talismans lancés par les moines.
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Source : Le Monde.fr