Jean-Francois Sabouret, en 1997. Jean-Francois Sabouret, en 1997.

Autant qu’un sociologue et chercheur, proche de Pierre Bourdieu dans les premières années de sa carrière, Jean-François Sabouret fut avant tout passeur, un « vulgarisateur », dans le sens plus noble du terme, cherchant à la fois à mettre le pied à l’étrier à des jeunes chercheurs et à donner au grand public une vision moins caricaturale du Japon.

Il le fit à la fois par les ouvrages collectifs qu’il a dirigés, ses propres publications et les chroniques qu’il a tenues, notamment sur France Inter. Lundi 30 janvier, il intervenait encore sur France Culture, en direct d’une plage de Phu Quoc au sud du Vietnam, pour parler du vieillissement au Japon. Il est décédé le lendemain d’un arrêt cardiaque.

Aux connaissances académiques, Jean-François Sabouret ajoutait des coups de cœur, une intuition et une sensibilité servies par un grand talent de jovial conteur pour faire vivre les « gens de peu » – ceux que l’on croise sans les voir.

Né au Poinçonnet (Indre), le 21 juillet 1946, il avait été attiré par l’Extrême-Orient par des lectures puis par son initiation à l’aïkido. Armé d’une licence de sociologie et d’une maîtrise de philosophie, il partit pour Hokkaido comme enseignant. Un peu « en nomade de province en quête d’un ailleurs » qui pointe sur un atlas l’autre extrémité du monde, disait-il. Et c’est dans les froidures de ce Grand Nord nippon qu’il commença à se familiariser avec un pays où il devait passer une grande partie de sa vie.

Le don de rassembler

Revenu à Tokyo, toujours comme enseignant, il obtient un doctorat de troisième cycle en sciences sociales sur l’Asie orientale, à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, sur un sujet alors peu exploré : les habitants des hameaux (burakumin), minorité victime depuis les temps anciens d’une discrimination certes abolie mais qui s’est faite plus sournoise dans les temps modernes. Il en tira un petit livre (L’Autre Japon. Les burakumin, La Découverte-Maspero, 1983). Et il passe dans la foulée un diplôme de japonais à l’Ecole des langues orientales (devenue l’Institut des langues et civilisations orientales).

Jean-François Sabouret avait le don de rassembler des équipes et de gérer une œuvre collective. Et ce fut L’Etat du Japon, ouvrage encyclopédique, mine d’informations de qualité sur l’Archipel par les meilleures spécialistes de ce pays (La Découverte, 1988, réédité et refondu en 1995). Puis il ouvre, en 1990, le premier bureau de représentation du CNRS au Japon, qu’il dirigera jusqu’en 1996. Au cours de cette période, il tient en même temps une chronique bihebdomadaire de deux minutes pour France Inter (« Bonjour, ici Tokyo »), traitant de tout (actualité, politique, société, petits faits de la vie quotidienne…). Présentées de façon simple et souvent émouvante, ces chroniques étaient un exercice de vulgarisation esquivant la caricature. Elles suscitèrent parfois les sarcasmes de ses « chers collègues » qui du haut de leur savoir ne s’adressent qu’à leurs pairs.

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Source : Le Monde.fr

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