Mouvements de masse
Un débat entre candidats à la présidentielle ? Mieux que ça. Du 14 au 28 novembre, à Fukuoka, au Japon, se tenait le Kyushu Basho, l’un des plus grands tournois de sumo de l’année, véritable événement dans le pays. L’occasion de voir le dénommé Terunofuji Haruo tenter par tous les moyens d’expédier son adversaire, Takakeishō Mitsunobu, hors des limites du dohyō (la zone de combat), ou de lui faire toucher le sol avec une autre partie du corps que la plante des pieds. Car là est l’objectif ultime de cette lutte entre demi-dieux vivants.
Seigneurs de l’anneau
Dans cet art séculaire, mentionné dans le plus ancien livre en langue japonaise, Chronique des faits anciens, daté du VIIIe siècle, tout est traditions, rituels et détails étranges. Ainsi, le dohyō est entouré de petites bottes de paille de riz. Quatre d’entre elles sont disposées légèrement en retrait de la ligne du cercle. Un lutteur poussé au bord de l’anneau peut donc essayer de s’approcher d’un de ces points pour s’en servir comme appui afin de repousser plus efficacement son adversaire. Evidemment, la démarche est souvent désespérée et vouée à l’échec. C’est le cas ici.
A cordes et à cris
Il va sans dire que les tenues des sumos font également l’objet d’une grande attention. Les deux combattants portent le très seyant mawashi, soit une bande de tissu de six à huit mètres de long, entourant, en des boucles très serrées, le bassin, et noué dans le dos, au niveau des lombaires. Ici, puisque c’est une compétition d’importance, un tablier composé de cordelettes est également attaché au mawashi. Sachez-le, ce dernier est purement décoratif, et a même de grandes chances de tomber au cours de la confrontation.
La mèche est dite
Les compétiteurs arborent une drôle de coiffure baptisée chonmage. Celle-ci permettait à l’origine aux samouraïs de stabiliser leur casque sur leur crâne. Aujourd’hui, la fonction de cette coiffure est symbolique. Sa coupe est même devenue le moment clé de la cérémonie du départ à la retraite d’un sumo. Les dignitaires et autres personnes importantes dans la vie d’un lutteur sont alors invités à prendre une de ses mèches de cheveux, la dernière d’entre elles revenant à son entraîneur.
Sang scrupule
Notons enfin la présence de plusieurs femmes dans le public. Le constat n’est pas anecdotique, car l’accès au dohyō leur est interdit, selon une tradition considérant le sang comme une souillure et excluant donc la gente féminine en raison des menstruations. En 2007, à Tokyo, quand, pour la première fois dans l’histoire du sumo professionnel, une spectatrice tenta d’entrer dans l’arène, un lutteur s’est précipité pour lui bloquer le passage. Conclusion ? Encore plus misogyne qu’un débat entre candidats à la présidentielle, c’est possible.
Source : Le Monde.fr