Motohiko Hasui pour M Le magazine du Monde
PortraitLe Louvre-Lens, le New Museum à New York, le Rolex Learning Center à Lausanne… En quelques années, l’architecte japonaise de 62 ans a imposé un style à son image : minimal et mystérieux. En 2020, elle inaugurera l’une de ses réalisations majeures, la réinvention de la Samaritaine, à Paris.
Elle n’aime ni les compliments, ni les effusions. Et préfère rester droite sur son siège, silencieuse. Dans le hall du boutique hotel londonien où elle a donné rendez-vous en plein cœur de l’été, Kazuyo Sejima reste imperturbable.
L’architecte japonaise de 62 ans a beau être à moins d’un an de la réouverture de La Samaritaine, prévue au deuxième trimestre 2020, un des projets les plus importants de sa carrière, son plus long (près de dix ans), le plus coûteux aussi (550 millions d’euros), elle ne moufte pas. Ni angoissée, ni paniquée. Juste concentrée.
Pourtant, le projet en rendrait fou plus d’un. Une commande du premier groupe de luxe au monde, LVMH, pour un bâtiment dans le centre de Paris, amarré à la Seine, face au Pont Neuf. Un complexe de 70 000 mètres carrés, la taille du Centre Pompidou. Et une adresse symbolique, La « Samar », ancien grand magasin familier des Parisiens.
Des détails tenus secrets
L’adresse affole les esprits depuis 2005, date de fermeture de l’enseigne (ouverte en 1870) et la promesse de sa réouverture. Depuis qu’il l’a rachetée, en 2000, LVMH, conglomérat de Bernard Arnault, s’était fixé pour objectif de donner une seconde jeunesse à cette célèbre adresse, de réinventer un ensemble dont 80 % sont classés Monument historique. Côté Seine, le bâtiment Art déco abritera un hôtel cinq-étoiles, baptisé Cheval-Blanc comme à Courchevel, aux Maldives ou à Saint-Tropez.
Côté Rivoli, Kazuyo Sejima a conservé la partie Art nouveau, mais a détruit un patchwork d’immeubles hétérogènes, trop complexes à rénover, au profit d’un bâtiment qui cache des bureaux, crèche, logements sociaux et des commerces sous une façade ondulée en verre sérigraphié de 25 mètres de haut, conçue pour renvoyer en miroir l’image des immeubles XIXe siècle.
Un projet dont les détails ont été tenus très secrets pendant des mois, notamment en raison de l’importance des enjeux : en effet, à quelques centaines de mètres de ce vaste chantier, son compatriote Tadao Ando réinvente la Bourse du commerce pour accueillir la collection de François Pinault – avec une inauguration prévue pour juin 2020. Après des décennies qui ont vu les groupes de luxe batailler dans le monde entier le centre de Paris redevient un enjeu majeur…
Un Pritzker obtenu en 2010
Kazuyo Sejima est la tête d’affiche de ce projet énorme. Comme Frank Gehry le fut pour la Fondation Louis Vuitton, en 2014, l’autre mastodonte construit dans Paris par LVMH. Malgré ses visites régulières, mais en coup de vent, sur le chantier, et sa connaissance approfondie de chaque détail des bâtiments Art déco ou Art nouveau, l’architecte reste sibylline comme un oracle, impénétrable comme un sphinx.
Source : Le Monde.fr