Chronique. Après plus de deux décennies de déflation modérée (les prix ont baissé de 0,5 % en moyenne par an), le Japon fait, comme l’ensemble des pays de l’OCDE, l’expérience du retour de l’inflation, mais à un niveau nettement moindre (environ 2 %, contre environ 5,5 % en France depuis avril 2022). Dans le contexte japonais, c’est une bonne nouvelle – pour l’équilibre macroéconomique, moins pour les consommateurs individuels – puisque la cible d’inflation de 2 % était au cœur des objectifs de politique monétaire depuis le début des années 2000.
Mais ce retour a des conséquences sur la dynamique de la dette publique, qui représente aujourd’hui plus de 250 % du produit intérieur brut au Japon, contre environ 110 % en France et 66 % en Allemagne. Dans ce contexte, comment doivent évoluer les politiques économiques ? La Banque du Japon (BoJ) doit-elle mettre fin à sa politique monétaire ultra-accommodante ? Le gouvernement japonais doit-il enclencher un processus de consolidation budgétaire ?
Ces questions étaient au cœur d’une conférence organisée à Tokyo lundi 11 décembre par le Canon Institute for Global Studies en collaboration avec la Banque de France, « Inflation and public debt dynamics in a new environment : EU-Japan perspectives », au cours de laquelle des économistes japonais et français, ainsi que des responsables des politiques économiques, ont débattu de ces questions.
Une dette détenue pour plus de 90 % par des acteurs domestiques
Depuis le ralentissement économique du début des années 1990, le Japon a accumulé les déficits publics, qui ont conduit à un niveau record de dette. Mais, contrairement à la France, celle-ci est détenue pour plus de 90 % par des acteurs domestiques. C’est aujourd’hui la BoJ qui en possède plus de 50 %, après une décennie de politique monétaire des plus souples qui a vu la BoJ financer l’émission de cette dette.
Dès lors apparaît un problème bien identifié par la professeure d’économie de l’université de Waseda, Junko Koeda : le retour de l’inflation s’accompagnera à terme d’une hausse des taux d’intérêt, qui conduira à l’augmentation de la charge de la dette. La BoJ et le gouvernement japonais ont ainsi destins liés. En particulier, la BoJ a contribué à la soutenabilité de la dette, alors qu’en théorie son mandat se limite à la stabilité des prix.
Mais l’essentiel, comme l’a rappelé Takeo Hoshi de l’université de Tokyo c’est le rapport entre taux d’intérêt r, pour « rate », qui détermine le coût des nouvelles émissions de dette, et taux de croissance g, pour « growth » , qui impacte les rentrées fiscales. Quand r-g est négatif, comme cela a été le cas au Japon depuis plus de vingt ans, il n’y a pas de problème de soutenabilité de la dette.
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Source : Le Monde.fr
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