Emission de télévision présentant l’ItaCafe, un « maid café », à Tokyo, en 2016. Emission de télévision présentant l’ItaCafe, un « maid café », à Tokyo, en 2016.

LETTRE DE TOKYO

Difficile d’imaginer un événement autour de l’ex-URSS au moment où l’armée russe écrase l’Ukraine sous ses bombes. Iskra (« l’étincelle »), pseudonyme d’une Japonaise désireuse de taire son véritable nom, a pourtant maintenu son stand éphémère au Shibuya Publishing & Booksellers (SPBS), librairie du quartier branché de Shibuya, à Tokyo. Ce choix sonne comme un témoignage de la vigueur historique des échanges culturels entre la Russie et le Japon, malgré les tumultes de l’histoire, les guerres de 1904-1905 et des années 1930 et 1940, un contentieux territorial jamais résolu, et désormais l’invasion de l’Ukraine, vivement condamnée par Tokyo.

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En ce printemps 2022, le cœur de la boutique SPBS a fait place à des ouvrages sur la cuisine en Russie soviétique ou en Allemagne de l’Est, des céramiques du Kazakhstan ou encore un set de thé en plastique marron de la compagnie aérienne Aeroflot. Le tout sous la mine réjouie de Micha, l’ours mascotte des Jeux olympiques de Moscou en 1980.

« A l’annonce de la décision inimaginable de la Russie, je ne savais plus quoi faire. Il y a eu beaucoup de critiques du projet. Nous avons choisi d’insister sur le savoir et la connaissance, explique Iskra, passionnée, depuis les années 1990, par l’autre versant du rideau de fer. J’ai grandi pendant la période de la bulle économique au Japon. Dans l’imaginaire collectif, les soviétiques étaient froids et sans émotion. »

A l’université, après la chute du mur de Berlin, Iskra rencontre des jeunes des pays de l’Est. « Ils avaient vécu des moments difficiles mais avaient su construire leurs petits moments de bonheur. » D’où son intérêt pour l’esthétique de l’époque soviétique, « forme visible de leur expérience », qui revêt « une certaine gravité et une familiarité réconfortante, reflet peut-être de ma propre nostalgie ».

Des créations dystopiques

Tokyo n’a pas connu d’événement majeur comme l’exposition « Rouge », en 2019, au Grand Palais, à Paris. L’image du communisme reste plutôt négative au Japon. Mais loin des considérations politiques, l’esthétique soviétique suscite toujours un certain intérêt, touchant parfois au ludique. En 2016, de jeunes Russes adeptes de cosplay ont ouvert l’ItaCafe, un « maid café » (un café où les serveuses sont déguisées en domestiques), près de l’université Waseda, à Tokyo. La patronne, Anastasia Reznikova – une « cosplayeuse » plus connue sous le nom de « Nastyan » –, y déambule souvent en tenue kaki floquée de l’étoile rouge.

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L’univers des mangas a su s’approprier l’univers de l’ex-URSS, avec des créations parfois dystopiques. Œuvre de science-fiction, Tenrou no Avalon, de Fujisawa Noriyuki et Hamamura Toshikiri, évoque la lutte des classes transposée dans un autre monde par une flotte soviétique interstellaire.

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Source : Le Monde.fr

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