Par une de ces étrangetés de la langue française, la puce désigne à la fois la plus détestée et la plus aimée des choses. L’insecte piqueur-suceur aime se blottir dans le pelage des chiens, des chats, des rats et des hommes. Voyageur infatigable et champion du monde de saut en hauteur, il propage irritations et maladies au gré de ses déplacements.
Pourtant, depuis des millénaires, les parents appellent leur petite fille adorée « ma puce », et, plus récemment, la puce, sous sa forme semi-conductrice, est devenue la chose la plus précieuse au monde. Elle vaut de l’or, ou plus précisément des centaines de milliards de dollars.
On a ainsi appris, mercredi 15 mars, que la Corée du Sud allait lancer un plan pharaonique de 442 milliards de dollars (412 milliards d’euros) sur trois ans pour accroître son avance dans le domaine des composants électroniques. Une très bonne nouvelle pour Samsung, le leader mondial des mémoires qui prévoit de construire sur vingt ans un gigantesque complexe industriel de fabrication de puces au sud de Séoul pour attirer toutes les entreprises du monde sur son territoire.
« La guerre économique qui a commencé dans les semi-conducteurs s’est élargie aux batteries et aux voitures du futur. Chaque pays se lance dans des subventions massives et des réductions d’impôts pour construire des usines dernier cri sur son sol », a expliqué le président sud-coréen Yoon Seok-youl.
Au nom de la souveraineté
La course pour attraper les puces sauteuses est donc bien lancée. Les Américains ont dégainé leur loi spécifique de 270 milliards de dollars d’aides pour convaincre les industriels, dont Samsung, de préférer son territoire, tandis que l’Europe et le Japon font de même. Les caisses des Etats se vident pour remplir celles des électroniciens, au nom de la souveraineté.
Sans parler des autres centaines de milliards consacrées au développement des énergies renouvelables pour la transition énergétique. Cela pose évidemment bien des questions sur la soutenabilité dans le temps d’une telle débauche collective de moyens.
La puce en silicium vaut donc bien plus cher que son homonyme biologique, mais comme elle, elle ne pèse rien et se cache facilement. Résultat, on voit désormais apparaître des trafics illicites. Comme la filière montée par Artem Uss, le fils d’un gouverneur de Sibérie, arrêté, en octobre 2022, à Milan. Il aurait monté en quelques années un vaste réseau d’alimentation de la Russie en puces électroniques afin de contourner les embargos, notamment depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine.
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Source : Le Monde.fr