La coïncidence dans le temps, pour fortuite qu’elle puisse paraître, de la visite dans deux pays en guerre au cœur de l’Europe des dirigeants chinois et japonais, le premier à Moscou et le second à Kiev, est révélatrice du caractère global du conflit déclenché par l’invasion russe de l’Ukraine et de la bipolarisation du monde qu’elle a accélérée.
A huit cents kilomètres de distance, les deux puissances majeures d’Extrême-Orient, la Chine et le Japon, ont ainsi apporté, cette semaine, chacune son soutien à l’un des belligérants. Renforçant du même coup l’image d’une confrontation de deux blocs. Le président chinois Xi Jinping a quitté Moscou le mercredi 22 mars après une visite de deux jours, tandis que le premier ministre japonais Fumio Kishida avait effectué, la veille, une visite éclair dans la capitale ukrainienne.
Si le passage du numéro un chinois à Moscou n’a fait que confirmer « l’indéfectible amitié » entre la Chine et la Russie, sans avancées plus précises sur le « plan de paix » annoncé antérieurement par Pékin, celle du premier ministre Fumio Kishida en Ukraine a confirmé l’émergence d’un Japon plus actif sur la scène internationale où, depuis sa défaite en 1945, il est toujours resté en retrait. Le voyage de M. Kishida à Kiev et à Boutcha, lieu emblématique de massacres perpétrés par des soldats russes, était la première visite, depuis quatre-vingts ans, d’un chef de gouvernement japonais dans un pays en guerre.
Invité depuis plusieurs mois par les autorités ukrainiennes, le premier ministre nippon avait longtemps semblé tergiverser. Son administration paraissait réticente et invoquait tous les prétextes pour la reporter. En réalité, elle se préparait dans le plus grand secret. En se rendant en Ukraine, M. Kishida a donné toute sa force à la ligne suivie par Tokyo depuis l’invasion russe.
Se dégager de la subordination aux Etats-Unis
Tout en restant dans la mouvance de l’alliance avec Washington, dont il dépend pour sa sécurité, le Japon a été encouragé à sortir de sa réserve par l’implication de l’Union européenne dans ce qui est devenu une confrontation entre démocraties et autocraties. Tokyo y est d’autant plus enclin qu’il estime avoir un rôle à jouer, alors que le Japon sera l’hôte, à Hiroshima, du sommet du G7, au mois de mai.
Dès l’invasion de l’Ukraine, M. Kishida a été le dirigeant asiatique qui a condamné avec le plus de clarté la Russie. Il a pris des sanctions contre Moscou, envoyé des équipements défensifs et fournit une aide financière et humanitaire à l’Ukraine dans les limites imposées par sa Constitution et les principes qu’il a adoptés depuis des décennies : ne pas fournir d’armes létales à un pays en guerre.
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Source : Le Monde.fr