Tribune. Le rapport Stora a choisi de faire « un détour par l’Asie ». S’appuyant sur la portée limitée des excuses japonaises à l’égard de la Chine et de la Corée, il écarte l’option d’actes de « repentance » similaires envers l’Algérie. Saluons d’abord le choix d’effectuer ce crochet asiatique. Le rapport mentionne également d’autres lieux où se déploient des luttes mémorielles – de l’Afrique du Sud au Chili – et une telle approche globale ne peut qu’être applaudie.
M. Stora dresse un tableau généralement exact de la situation en Asie. Le Japon est effectivement « lui aussi touché par une série de conflits autour des questions mémorielles ». Le rapport évoque ainsi les contentieux sino-japonais et nippo-coréens, s’attardant notamment sur la question des « femmes de réconfort » (ces esclaves sexuelles au service de l’armée impériale japonaise), ou celle des visites de politiciens au sanctuaire Yasukuni (où sont vénérés des criminels de guerre). Le rapport ne va pas jusqu’à aborder la question de la similarité des expériences coloniales franco-algérienne et nippo-coréenne. Il y a pourtant là une clef permettant de mieux comprendre la pertinence de la question des excuses japonaises.
L’Algérie française (1830-1962) et la Corée japonaise (1910-1945) sont bien plus que de simples colonies. De la même manière que « l’Algérie, c’est la France » (François Mitterrand en 1954), la Corée, c’est le Japon ! L’Algérie était définie comme le prolongement de la France de l’autre côté de la Méditerranée, et la Corée comme l’extension du Japon par-delà le détroit de Tsushima. Dans les deux cas, les populations étaient étroitement imbriquées, avec des colons français en Algérie et des colons japonais en Corée, et la présence de populations d’origine coloniale en métropole.
Nuage de fumée
Les idées à la base de la colonisation sont aussi largement similaires. Comme la France en Algérie, le Japon se considère comme porteur d’une mission civilisatrice à l’égard de la Corée. Et les deux colonies sont destinées, à terme, à être assimilées au sein de la métropole.
En Corée, cette volonté d’intégration se traduira, à partir du milieu des années 1930, par une tentative d’éradication systématique de la culture locale. Suppression de la langue coréenne, adoption forcée de noms japonais, obligation de vénérer l’empereur et de visiter des sanctuaires shintoïstes – des mesures qui laisseront des marques profondes au sein de la société coréenne.
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Source : Le Monde.fr
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