Au pays du Soleil-Levant, on n’hésite pas à prendre des retraites tardives. A 78 ans, Haruhiko Kuroda, le gouverneur de la Banque du Japon, présidait, vendredi 10 mars, son dernier conseil à la tête de l’institution. Son successeur, un « gamin » de 71 ans, Kazuo Ueda, était officiellement adoubé ce même jour par le Parlement.
M. Kuroda part sur un bilan mitigé. Son activisme réel n’aura pas suffi à réveiller la croissance nippone. L’ancien premier ministre Shinzo Abe (2012-2020) lui avait pourtant confié, en 2013, un « bazooka » monétaire supposé réveiller la belle endormie. Tétanisé par la stagnation et la déflation japonaise, attisée par le vieillissement de la population, le chef du gouvernement avait multiplié les plans de relance exorbitants. A charge pour la banque centrale de racheter la majeure partie de l’énorme dette du pays.
Pour rajouter du carburant dans la machine, Haruhiko Kuroda n’avait pas hésité à baisser les taux d’intérêt au-dessous de zéro et de les y maintenir contre vents et marées jusqu’à aujourd’hui. Pour faciliter la tâche du gouvernement, il avait également innové, en fixant un rendement maximum aux titres de dette de l’Etat japonais, rachetant les obligations en cas de dépassement.
Explosion des prix de l’énergie
Cette politique très généreuse a été aussi celle des banques centrales occidentales après la crise financière de 2008 et pour faire face à une inflation atone.
Pour la première fois depuis quarante ans, l’inflation est repartie et s’est inscrite à 4,2 % en janvier dans l’archipel nippon
Ce n’est plus le cas aujourd’hui aux Etats-Unis ou en Europe, où l’inflation galopante a conduit les banques centrales à relever à toute vitesse leur taux d’intérêt afin de juguler une inflation soudaine. Provoquée par la combinaison d’une reprise trop vigoureuse post-Covid-19 et par l’explosion des prix de l’énergie, celle-ci semble durable.
Au Japon, cependant, rien ne se passe comme ailleurs. Le pays souffre pourtant de la même hausse des prix de l’énergie et des matières premières. Pour la première fois depuis quarante ans, l’inflation est repartie et s’est inscrite à 4,2 % en janvier. Mais le placide M. Kuroda n’a rien changé de sa pratique et a maintenu, vendredi 10 mars, ses taux d’intérêt négatifs.
Il incombe à son successeur, qui pour la première fois dans l’histoire de l’institution sera un économiste, de sortir d’une politique laxiste qui craque de toutes parts. Une fois, le vieux gouverneur interrogé sur sa politique avait cité le jeune Peter Pan : « Le jour où vous arrêterez de croire que vous pouvez voler, vous ne pourrez plus jamais le faire. » Le retour sur terre semble proche.
Source : Le Monde.fr