« Il est temps de créer un nouvel environnement de travail au Japon. Tout le monde doit pouvoir avoir une famille et faire carrière. C’est évident, non ? » Glen Wood milite au Japon pour le droit des pères à prendre un congé parental. Un droit réel mais très théorique, explique ce Canadien, patron de Smart Vision Logistics, car, dans la société japonaise, le salarié reste « la propriété de l’entreprise, pas la propriété de la famille. Aussi, si vous prenez un congé de paternité, vous commettez un acte de trahison ». « Je pense que cette façon de penser reste forte », dit-il.
Lui-même en a fait l’expérience : la cour d’appel de Tokyo a rejeté, jeudi 23 juin, la plainte pour harcèlement qu’il avait déposée contre son ancien employeur, la maison de titres Mitsubishi UFJ Morgan Stanley, parce qu’il voulait prendre un congé paternité.
L’affaire commence en 2015, quand il apprend qu’il va devenir père. Résident dans l’Archipel depuis près de trente ans, le financier bien noté sait que le système nippon de congé parental est avantageux : les pères peuvent prendre un congé jusqu’au premier anniversaire de l’enfant en percevant jusqu’à 67 % de leurs revenus. Glen Wood postule. L’entreprise rejette abruptement ses demandes.
Son fils naît en octobre 2015. L’enfant est prématuré. Sa survie est menacée. Malgré cela, son employeur refuse que Glen Wood rejoigne sa famille. Après quelques jours, n’y tenant plus, il quitte son poste, mettant l’entreprise devant le fait accompli. Il cesse alors d’être payé. Puis il débute des démarches, saisissant notamment le ministère des affaires sociales pour un avis consultatif, et obtient en décembre son congé paternité.
Pays vieillissant
A son retour au bureau en mars 2016, l’entreprise lui fait payer son obstination. Le voilà placardisé. Il tombe en dépression et prend un congé maladie. Rétabli, il revient pour apprendre sa rétrogradation « avec un salaire amputé de plus de 50 % ». En 2018, Glen Wood est renvoyé sans indemnité.
Pour lui, il s’agit clairement de harcèlement et il porte plainte. En première instance, le tribunal – qui a refusé d’entendre les témoins qu’il soumettait – rejette ses allégations, disant ne pas avoir trouvé de « motifs raisonnables » caractérisant un harcèlement. M. Wood se voit même reprocher d’avoir rendu l’affaire publique au lieu de la résoudre discrètement avec l’entreprise. Le jugement est confirmé en appel. Glen Wood veut aujourd’hui porter l’affaire devant la Cour suprême, tout en militant pour une véritable acceptation du congé paternité.
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Source : Le Monde.fr