Le Japon a commencé, jeudi 24 août, à rejeter de l’eau issue de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima, malgré une vive opposition de la Chine et l’inquiétude des pêcheurs nippons. Le processus, qui comprend des pompes, des vannes et un réseau complexe de canalisations, a été enclenché peu après 13 heures, heure japonaise (6 heures, heure de Paris), après un bref compte à rebours, selon une retransmission en direct des opérations par Tepco, l’opérateur de la centrale.
Ce premier déversement devrait durer environ dix-sept jours et porter sur quelque 7 800 mètres cubes (m3) d’eau de la centrale contenant du tritium, une substance radioactive qui n’est dangereuse qu’à des doses hautement concentrées. Tepco prévoit trois autres déversements d’ici fin mars prochain, pour des volumes équivalents au premier.
Au total, le Japon envisage d’évacuer dans l’océan Pacifique plus de 1,3 million de m3 d’eaux usées stockées jusqu’à présent sur le site de la centrale de Fukushima-Daiichi, provenant d’eau de pluie, de nappes souterraines et des injections nécessaires pour refroidir les cœurs des réacteurs entrés en fusion après le tsunami de mars 2011 qui avait dévasté la côte nord-est du pays.
Nombreuses précautions prises
Ce processus sera très progressif – il doit durer jusque dans les années 2050 – et la teneur d’eau tritiée dans les rejets en mer quotidiens n’excédera pas 500 m3. L’eau a été filtrée au préalable pour la débarrasser de la plupart de ses substances radioactives, à l’exception du tritium.
Le Japon prévoit de rejeter de cette eau avec une importante dilution au préalable, de sorte que de son niveau de radioactivité ne dépasse pas 1 500 becquerels (Bq) par litre. Ce niveau est quarante fois inférieur à la norme nationale japonaise pour l’eau tritiée alignée sur la norme internationale (60 000 Bq/litre), et il est par ailleurs environ sept fois inférieur au plafond établi par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’eau potable (10 000 Bq/litre).
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui supervise l’opération de rejet, a donné son approbation en juillet, jugeant que le projet était conforme « aux normes internationales de sûreté » et qu’il aura un impact radiologique « négligeable sur la population et l’environnement ».
Pékin suspend les importations japonaises des produits de la mer
Mais beaucoup voient les choses différemment. Les pêcheurs japonais, d’abord, redoutent un impact sur l’image de leurs produits. La Chine, ensuite, a annoncé jeudi suspendre toutes ses importations de produits de la mer du Japon. Cette décision, prise au nom de « la sécurité alimentaire », vise à « prévenir les risques de contamination radioactive causés par le rejet en mer des eaux contaminées », ont déclaré les douanes dans un communiqué. Dès juillet, Pékin avait interdit les importations de denrées de dix départements japonais, dont celui de Fukushima. Hongkong et Macao ont pris des mesures similaires cette semaine.
« L’océan est le bien commun de l’humanité. Le déversement par la force dans la mer de l’eau contaminée provenant de la centrale nucléaire de Fukushima est une action extrêmement égoïste et irresponsable qui ne tient aucun compte de l’intérêt public international », a réagi le ministère des affaires étrangères chinois dans un communiqué. Selon des analystes, la position intransigeante de Pékin sur l’eau de Fukushima est très probablement aussi liée aux relations sino-japonaises déjà dégradées sur de nombreux sujets économiques et géopolitiques.
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Le rejet en mer d’eau tritiée est une pratique courante de l’industrie nucléaire dans le monde entier, et le niveau annuel de radioactivité de ces rejets par les centrales nucléaires chinoises est bien supérieur à celui prévu à Fukushima-Daiichi, a relevé Tokyo. « C’est un cas classique où la perception du risque lié au tritium est radicalement plus élevée que le véritable risque qu’il représente », a commenté cette semaine Tom Scott, un expert de l’université de Bristol (Angleterre), rappelant par ailleurs que le tritium est naturellement présent dans la haute atmosphère terrestre et dans les océans.
« Ne rien faire qui soit potentiellement dangereux »
D’autres Etats de la région Indo-Pacifique ayant de meilleures relations avec le Japon, comme la Corée du Sud, Taïwan, l’Australie ou encore les îles Fidji et les îles Cook, ont ainsi exprimé leur confiance quant à la sécurité du processus de rejet contrôlé par l’AIEA.
Le Japon doit « publier de manière transparente » les données sur l’impact des rejets de l’eau de Fukushima « durant les trente prochaines années », a déclaré le premier ministre sud-coréen, Han Duck-soo, tout en dénonçant les « fausses informations » et la démagogie utilisées contre cette décision du Japon, que Séoul a publiquement soutenue.
Des manifestations contre ces rejets en mer ont eu lieu en Corée du Sud. Dix personnes ont notamment été arrêtées pour avoir tenté de pénétrer dans l’ambassade du Japon à Séoul. Mais au Japon, signe d’une certaine résignation de la population, un rassemblement de protestation jeudi matin près de la centrale de Fukushima-Daiichi n’a réuni que neuf personnes.
« Une bonne politique consisterait à ne rien faire qui soit potentiellement dangereux, en vertu du principe de précaution, a déclaré au journaliste de l’Agence France-Presse une manifestante, Ruiko Muto, 70 ans, qui vit dans le département de Fukushima. La mer est déjà très polluée, je pense qu’il est vraiment inacceptable de permettre intentionnellement que cela continue. »
Source : Le Monde.fr
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