La joueuse japonaise de tennis Naomi Osaka, le 10 septembre à New York.

Le Japon se veut une société homogène. Il l’est moins que ne le proclame la droite politique et intellectuelle et que ne le pensent une bonne partie des Japonais. Une vidéo publicitaire de la marque américaine Nike, dénonçant les discriminations raciales dans l’Archipel, visionnée plus de 20 millions de fois depuis sa diffusion le 1er décembre, suscite sur les réseaux sociaux des réactions enthousiastes ou outrées par cette « atteinte à la dignité du Japon ».

Confronté depuis son ouverture à l’étranger au milieu du XIXe siècle à l’ethnocentrisme occidental, le Japon n’ignore pas les blessures dues à la discrimination raciale − qu’il a lui-même pratiquée dans les années 1930 avec l’idéologie de la suprématie de la race nippone qui a accompagné son impérialisme colonial.

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A la suite de la mort de George Floyd, en mai aux Etats-Unis, des marches et des manifestations, de faible ampleur certes, ont eu lieu dans les grandes villes japonaises. Mais pour beaucoup, le racisme est un problème qui se pose aux Etats-Unis et en Europe mais pas au Japon. La situation n’est pas si simple : les discriminations des minorités, « visibles » ou non, ainsi que l’ostracisme à l’égard des Japonais métis sont des réalités que la majorité tend à ignorer.

Surfant sur la vague de célébrité de la jeune championne de tennis, Naomi Osaka, qui dénonce les injustices raciales, Nike – l’un de ses sponsors – a cherché à épouser l’évolution qu’il croit discerner chez les jeunes Japonais. « Naomi Osaka est le visage d’un Japon qui change et qu’elle appelle à s’éveiller au problème de la discrimination raciale », estime Baye McNeil, professeur et auteur afro-américain vivant au Japon.

« Ignorance » et « méfiance » à l’égard des étrangers

Les discriminations au Japon sont de plusieurs natures. Elles peuvent être rampantes ou ouvertes, tels les propos haineux à l’encontre des Coréens sur les réseaux sociaux. Le film vidéo de Nike, intitulé Continue à agir, sois toi-même, l’avenir n’attend pas, pointe de manière quelque peu caricaturale des formes d’ostracisme plus sournoises : jeune femme en costume national coréen dévisagée par un passant ; adolescentes harcelées à l’école à cause de leur origine… Fait d’une succession d’images choc, le film perd sa portée informative, voire didactique en homogénéisant à outrance la société japonaise. Ces discriminations existent assurément, mais le phénomène est plus complexe.

La position de Naomi Osaka est plus mesurée. Née au Japon d’une mère japonaise et d’un père haïtien, mais élevée au Etats-Unis, la jeune femme âgée de 23 ans ne veut pas être qu’une championne mondialement connue. Elle entend mettre sa célébrité au service d’un message politique dont l’impact est sans doute plus fort au Japon qu’aux Etats-Unis où la mobilisation est infiniment plus large sur cette question. Consécration de sa popularité dans l’Archipel, Naomi Osaka va devenir l’héroïne d’un manga intitulé Naomi sans égale, qui sera publié fin décembre dans le magazine pour adolescentes Nakayoshi (400 000 exemplaires).

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Source : Le Monde.fr

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