Le gouvernement japonais a assoupli, mardi 26 mars, les restrictions sur les exportations d’équipements militaires, opérant un deuxième changement en la matière en quelques mois.
La décision concerne le futur avion de chasse de pointe que Tokyo développe actuellement avec le Royaume-Uni et l’Italie, dont l’exportation se limitera aux pays – actuellement au nombre de quinze dont les Etats-Unis, la France, l’Australie ou l’Inde – disposant d’accords pour le transfert d’équipements de défense avec Tokyo dans le cadre desquels ils s’engagent à trouver une issue pacifique à tout conflit, dans le respect de la Charte des Nations unies.
Si la portée de cette mesure est limitée, il s’agit tout de même du plus important virage effectué depuis une décennie par le Japon dans sa politique d’exportation de matériel militaire. Pour la première fois, Tokyo va pouvoir exporter des armes létales qu’il coproduit vers d’autres pays.
Querelle politique
La question a donné lieu à des mois de querelle politique entre le Parti libéral-démocrate au pouvoir et son partenaire au sein de la coalition gouvernementale, le Parti de la justice et de l’intégrité. Les opposants ont critiqué le gouvernement du premier ministre, Fumio Kishida, pour s’être engagé dans ce projet d’avion de combat sans fournir d’explication au public ni demander l’approbation de ce changement de politique majeur. Le gouvernement a précisé qu’aucune livraison de l’appareil vers des pays impliqués dans des conflits ne serait autorisée.
Dans le cadre du Programme aérien de combat mondial (GCAP), destiné à déployer d’ici à 2035 un avion de chasse de pointe, le Japon, le Royaume-Uni et l’Italie ont mis sur pied en 2023 une organisation industrielle conjointe menée par les groupes britannique BAE Systems, japonais Mitsubishi Heavy Industries et italien Leonardo. Tokyo travaille avec Rome et Londres à la mise au point de cet avion de combat avancé afin de remplacer sa flotte vieillissante de chasseurs F-2 de conception américaine, ainsi que les Eurofighter Typhoons utilisés par les armées britannique et italienne.
De quelconques restrictions japonaises sur les ventes à l’étranger et sur les volumes de production auraient pu rendre le futur appareil financièrement inabordable, avec des coûts de développement extrêmement élevés pour une flotte réduite.
Un contexte de tensions régionales et mondiales croissantes
En raison de son passé d’agresseur puis de sa défaite à la fin de la seconde guerre mondiale, le Japon a ensuite adopté une Constitution qui limite son armée à l’autodéfense.
Le pays a longtemps maintenu une politique stricte visant à limiter les transferts d’équipements et de technologies militaires et à interdire toute exportation d’armes létales, mais il a pris des mesures de déréglementation dans un contexte de tensions régionales et mondiales croissantes, notamment de la part de la Chine voisine, de la Corée du Nord ou de la Russie.
Ce changement intervient également au moment où M. Kishida prépare une visite d’Etat à Washington en avril, au cours de laquelle il devrait souligner que le Japon est prêt à jouer un rôle plus important dans les partenariats militaires et de l’industrie de la défense.
En 2014, l’Archipel a commencé à exporter certaines fournitures militaires non létales et, en décembre 2023, il a approuvé un changement qui permettrait la vente de 80 armes et composants létaux qu’il fabrique sous licence d’autres pays aux détenteurs de la licence. Cette modification a permis au Japon de vendre aux Etats-Unis des missiles américains Patriot afin de remplacer les munitions envoyées par Washington à l’Ukraine.
Source : Le Monde.fr