Une certaine fébrilité règne à Hiroshima et à Tokyo. Un nombre accru de policiers patrouille dans les aéroports et les gares, dont des unités de la brigade antiterroriste. Le G7, qui doit s’ouvrir vendredi 19 mai, aura lieu dans une atmosphère particulière.
En l’espace de quelques mois, deux responsables politiques de premier plan ont été victimes d’agression : en juillet 2022, l’ancien premier ministre Shinzo Abe fut assassiné en pleine rue et, en avril, le chef du gouvernement en exercice, Fumio Kishida, échappa de justesse à une agression.
La police surveille les personnes jugées suspectes d’extrémisme, mais elle est confrontée à une réalité : les auteurs de ces deux attaques sont des hommes ordinaires, sans appartenance à un quelconque groupe radical, et dont les motifs ne sont pas idéologiques. Elle redoute que ces agressions, qui ont parfois suscité des expressions de solidarité sur Internet, incitent d’autres « mécontents » solitaires à passer à l’acte. Les attaques dont ont été victimes Shinzo Abe et Fumio Kishida sont en effet le symptôme d’une pathologie sociale qui pourrait devenir inquiétante dans un pays à la réputation – justifiée – d’être l’un des plus sûrs du monde.
Avant-guerre, le Japon a certes connu des attentats politiques, mais depuis la fin de la seconde guerre mondiale, ceux-ci se sont faits rares : en 1960, le président du Parti socialiste, Inejiro Asanuma, a été poignardé devant les caméras de télévision par un extrémiste de droite. Trente ans plus tard, le maire de Nagasaki, Hitoshi Motoshima, a échappé de justesse à un attentat, commis également par un extrémiste de droite.
Mal-être social
Comme d’autres pays, le Japon connaît des meurtres indiscriminés commis par des individus saisis d’une rage de tuer : en 2008, dans Akihabara, quartier de Tokyo célèbre pour ses magasins d’électronique et ses librairies de mangas, un homme de 25 ans a tué sept personnes et en a blessé dix autres à coups de couteau pour se venger des « gens heureux » ; en 2016, un ancien employé de 26 ans d’un centre pour handicapés mentaux à Sagamihara (préfecture de Kanagawa) tuait dix-neuf personnes et en blessait vingt-cinq autres. « La société se porte mieux sans les handicapés mentaux », avait-il déclaré à son procès.
Les auteurs des agressions contre M. Abe et M. Kishida étaient tous deux animés par le ressentiment. Tetsuya Yamagami, 42 ans, voulait se venger de M. Abe, qu’il jugeait proche de la secte Moon, qui avait ruiné sa famille et sa vie. L’agresseur de M. Kishida, Ryuji Kimura, 24 ans, était quant à lui insatisfait du système électoral, de l’âge d’éligibilité et des successions « dynastiques » dans des circonscriptions devenues des fiefs électoraux familiaux. En 2022, il avait porté plainte contre le gouvernement, demandant l’abaissement de l’âge de l’éligibilité, et il avait été débouté.
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Source : Le Monde.fr
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