Sous le titre « Hakanai Sonzai », qui peut se traduire par « se sentir soi-même une créature éphémère », le photographe et plasticien Pierre-Elie de Pibrac a rassemblé les destins de Japonais en marge. Cette série constitue la deuxième étape de sa trilogie sur la résilience, commencée à Cuba chez les cultivateurs de canne à sucre et qui doit se poursuivre en Israël. Dans ce travail, exposé au Musée Guimet jusqu’au 15 janvier, il « raconte l’histoire d’individus qui cherchent à comprendre leur identité face au poids des règles de la société », souligne-t-il.
Les images ont été réalisées entre décembre 2019 et août 2020. Attiré par cet archipel où « la nature a imposé sa loi pour définir la culture de la préciosité et du contrôle », le Français de 30 ans s’est installé avec sa famille dans une maison traditionnelle voisine du Pavillon d’argent, à Kyōto, et du chemin de la Philosophie qui y mène. Dans cet écrin typique, il a multiplié les lectures, visionné des films, pris des leçons de japonais. « Je n’ai rien photographié les deux premiers mois. Je comprenais mal, j’avais du mal à entrer dans le lien nature-culture », se souvient-il.
Puis le flou s’est dissipé. Pierre-Elie de Pibrac a fait des rencontres à Kyōto, dans la ville de mineurs de Yūbari (Nord) ou encore à Motoyama (à l’ouest, sur île de Shikoku) avec des yakuzas, des hikikomori (qui n’arrivent plus à sortir de chez eux), des jōhatsu (ces « évaporés », ou disparus volontaires) et des rescapés de la catastrophe de Fukushima de 2011. Il a confié à certains des appareils jetables et des carnets de notes pour les inciter à se confier.
Un long temps de pause
« Dans ce pays où les habitants se livrent peu, il a fallu être très patient pour briser la glace et entrer doucement dans la vie de ceux dont je voulais raconter les histoires. » S’appuyant sur ces notes et photos, et secondé par son épouse, Olivia, le photographe a recréé un moment-clé de la vie des Japonais photographiés dans des lieux vidés de leurs touristes par la pandémie de Covid-19.
Pierre-Elie de Pibrac a réalisé tous ses clichés à la chambre : « Ce que j’aime, ce n’est pas créer un instantané mais une photo comme une performance qui raconte une histoire. » La technique oblige à un long temps de pause. « La personne est impressionnée par la chambre [appareil très grand format]mais finit par se l’approprier. Elle entre dans ce monde et sait que c’est un moment charnière de sa vie. » Il fait alterner la couleur et le noir et blanc, les portraits et les paysages.
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Source : Le Monde.fr
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