Dans un monde où la confrontation l’emporte sur la solidarité et où l’influence des Etats-Unis s’amoindrit, le Japon cherche à mener une diplomatie d’égal à égal avec les pays dits « du Sud global ». Contrairement aux autres membres du G7, Tokyo fait fréquemment référence à cet ensemble géographique, certes flou et hétérogène, formé de pays émergents animés par l’aspiration commune d’échapper à la tutelle des grandes puissances.
Longtemps, l’Archipel est passé pour un « géant économique et un nain politique ». Puissance économique, il l’est toujours, mais il ne peut plus être considéré comme un « nain politique » à la traîne de l’histoire. Pas seulement parce qu’il développe ses capacités militaires en consacrant 2 % de son PIB à la défense – sans renier l’idéal pacifiste inscrit dans sa Constitution – et renforce ses relations avec l’OTAN et ses alliés du Pacifique, mais aussi par une diplomatie, discrète mais active, avec les pays du Sud global. Cette dernière, estime le premier ministre, Fumio Kishida, « sert ses intérêts économiques et sécuritaires ».
Voisin de la Chine et de la Russie, et au cœur d’une région où sont situés deux grands pays de ce Sud global (l’Inde et l’Indonésie) ainsi que le pôle de puissance en constitution des pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean), le Japon module les prises de position plus tranchées des autres membres du G7.
Son émergence sur la scène diplomatique mondiale, dont la politiste Guibourg Delamotte souligne la « vision englobante » commencée au cours des deux mandats du premier ministre Shinzo Abe (2006-2007 et 2012-2020), dans son livre Le Japon. Un leader discret (Eyrolles, 2023), en fait un acteur dans l’élaboration de nouvelles règles de l’ordre mondial acceptables pour le plus grand nombre. « Nous devons défendre nos valeurs mais rester humbles en surmontant nos préjugés », recommandait M. Kishida lors d’une conférence en janvier 2023 à l’université Johns-Hopkins aux Etats-Unis.
« Respect de la dignité humaine »
Sur les guerres en Ukraine et à Gaza, Tokyo est en retrait par rapport aux autres pays du G7. Après l’agression de Moscou envers Kiev, le Japon est certes apparu comme un partenaire à part entière de l’OTAN. Participant aux sanctions à l’encontre de la Russie et quatrième contributeur en aide humanitaire et économique à l’Ukraine, le pays rechigne néanmoins à lui fournir des armements. Il n’a pas réagi à la mort en prison de l’opposant russe Alexeï Navalny. « Le Japon a pour principe de ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures d’un autre pays », justifie, laconique, une source officielle.
Il vous reste 56.88% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Source : Le Monde.fr