Les doigts noircis par l’encre de Chine, le crissement de la plume sur le papier, les feuilles rageusement froissées débordant de la poubelle… Si bien dépeinte dans le manga Bakuman, de Tsugumi Ohba et Takeshi Obata, la production artisanale de la bande dessinée japonaise évolue sous les coups d’une intelligence artificielle (IA) de plus en plus performante, qui interroge sur les droits d’auteur et sur la valeur artistique de l’œuvre.
Le magazine Shonen Champion publiera à l’automne un épisode réalisé par IA de Black Jack, le manga du célèbre auteur Osamu Tezuka (1928-1989). Le mythique hebdomadaire avait publié, de 1973 à 1983, les deux cents épisodes des aventures d’un chirurgien de génie pratiquant la médecine sans autorisation.
« C’est un défi, mais je sais qu’Osamu Tezuka aurait certainement utilisé l’IA s’il était encore en vie », a expliqué, lundi 12 juin, Macoto Tezka – qui tient à cette graphie de son nom. Le fils du mangaka a repris la direction du studio créé par son père, Tezuka Productions. Il est à l’origine du projet, baptisé « TEZUKA2023 », de ressusciter Black Jack, avec Satoshi Kurihara, professeur à l’université Keio et spécialiste de l’IA.
Tout au long de sa carrière, Osamu Tezuka a présenté dans ses œuvres l’espoir d’un avenir radieux, tout en incitant le lecteur à s’interroger sur les technologies. Sa création la plus connue, Astro, le petit robot, abordait à travers son héros, un garçon androïde, le rapport aux robots et à l’énergie atomique. Black Jack soulevait des questions sociales et éthiques, comme la mort dans la dignité et les greffes d’organes. Pour M. Tezka, cette spécificité est un bon moyen de « relever les défis qui se présentent dans le domaine de la créativité. J’espère que l’IA ne remplacera pas les humains, mais développera la créativité humaine ».
Implication réduite des créateurs
Deux types d’IA sont utilisés pour le nouveau Black Jack. GPT-4 doit élaborer une base de scénario à partir d’instructions concernant la structure, les personnages, la vision du monde et le thème choisis. Stable Diffusion réalise les visages des personnages et les cadres, grâce à l’analyse du style d’Osamu Tezuka, son trait, les expressions faciales ou encore les arrière-plans. « Nous nous intéressons à la manière dont les humains et l’IA coopèrent pour créer de nouvelles intrigues et de nouvelles expressions des personnages », précise M. Kurihara.
L’IA n’en est qu’à ses balbutiements dans la création de mangas, même si, dans les années 2010, Hitoshi Matsubara, professeur à l’université publique du futur de Hakodate (nord du Japon), avait créé un système capable de générer des idées d’histoires et des croquis.
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Source : Le Monde.fr
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